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Mai 2014

 


Découvrez l'interview de François Gerin, directeur général adjoint de Siemens France :


 

Découvrez l'interview de Laetitia Strauch, chargée d'études à l'Institut de l'entreprise et co-auteur du rapport :

Découvrez l'interview de Daniel Harari, directeur général de Lectra :

 

Découvrez l'interview de Delphine Manceau, professeur à l’ESCP Europe et pilote des travaux de l’Observatoire de l’Innovation :

Découvrez l'interview de Julie Fabbri, Secrétaire Générale de l’Institut pour l’Innovation et la Compétitivité i7 de ESCP Europe :


Dans cette note, l’Institut de l’entreprise affirme que sans innovation, le pays s’appauvrira et ne pourra plus garantir à terme son système social. Dans ce cadre, les entreprises – et principalement les grandes entreprises – comme les pouvoirs publics doivent prendre leurs responsabilités et accepter de jouer leur rôle respectif : pour les entreprises, soutenir l’innovation en interne comme en externe, pour les pouvoirs publics, créer les conditions favorables au développement d’un écosystème innovant ainsi qu’accompagner les mutations qui en résultent. Trois domaines porteurs doivent être prioritaires et concentrer l’ensemble des énergies, et font l’objet de recommandations de la part de l’Institut de l’entreprise :  le big data, l’efficacité énergétique et les nouvelles technologies de production (simulation, robotique, impression 3D). Ces domaines impliquent  en effet des innovations de rupture susceptibles de soutenir les business models de demain et de transformer les usages, et seront donc source de croissance et d’emploi à long terme.

 

La France doit tirer parti de l’inéluctable dynamique de l’innovation

 

L’Institut de l’entreprise, en se fondant sur des travaux d’experts, rappelle que la prochaine révolution industrielle, axée sur l’économie des données, est en marche. La France ne peut donc prendre le risque de passer à côté des innovations de rupture qui garantiront sa prospérité à long terme. La dégradation de la compétitivité industrielle de la France tient en partie à la faible croissance de la productivité, notamment parce que la France n’investit plus dans ses usines, accumule les retards dans leur automatisation et peine à assurer la montée en gamme de son industrie. Si la France réussit sa transition technologique, nous resterons l’un des pays les plus développés du monde ; si, au contraire, nous échouons, notre modèle social sera fortement mis à mal.

Pour autant, si la France doit faire le pari de l’innovation pour conserver son statut et sa position économique, il faut se garder de porter un regard trop optimiste quant aux conséquences de cette dernière à court terme. En effet, certains analystes n’hésitent pas à déclarer qu’avant la fin de ce siècle, plus de la moitié des emplois d’aujourd’hui seront remplacés du fait de l’automatisation : les innovations futures rendront donc certains emplois obsolètes, et participeront à la destruction d’emplois autant manuels qu’intellectuels. On peut s’attendre ainsi à l’augmentation concomitante du nombre de métiers très qualifiés liés aux données et à leur analyse et de celui de métiers très peu qualifiés, dont le salaire va diminuer. Entre les deux, les métiers moyennement qualifiés – transport, logistique, postes administratifs notamment – seront voués à être remplacés par des machines.

Mais comme le rappelle Laetitia Strauch, co-auteur de la note, « si dans le court terme ces frictions sont inévitables, cela ne signifie pas pour autant que la technologie est source de chômage sur le long terme ». En effet, par le passé, la croissance de la productivité s’est toujours accompagnée d’une croissance de l’emploi, et non de pertes d’emplois (cf. note introductive, études de l’OCDE et du BIT citées dans la note p 45). D’ailleurs, s’il ne fait aucun doute que les hommes se verront de plus en plus remplacés par les robots pour des tâches standardisées, certains travaux peu qualifiés, notamment dans les services, continueront à demander une attention singulière et humaine, d’autant que la demande de tels services s’accroîtra à mesure que les revenus des plus qualifiés augmenteront.

 

Grandes entreprises, assumez votre rôle de leader

 

Dans ce contexte, s’il est d’usage d’attendre le salut de nos start-up, il n’est pas sûr que ces dernières sachent suffisamment grandir pour faire le poids face aux géants américains (insuffisance du capital-risque investi dans les start-up, faible culture de l’expérimentation, relatif retard sur des secteurs déjà préemptés par des concurrents internationaux, manque de coopération avec les grands groupes dans la recherche de marchés internationaux…). Les grandes entreprises françaises, quant à elles, se sont historiquement spécialisées dans le rattrapage technologique vis-à-vis des Etats-Unis. Elles sont restées jusqu’ici peu touchées par le numérique et les innovations de rupture apparaissent souvent trop risquées pour les dirigeants. Pour autant, les grands groupes présentent de nombreux atouts et leur rôle s’avère prépondérant pour permettre à la France de rester dans la course : une infrastructure mondiale, une réputation, des relations de partenariat déjà établies, une expertise en R&D renforcée par des brevets, une expérience des enjeux de régulation et enfin une excellence dans les processus. Pour jouer leur rôle de leader dans la culture d’innovation française, les grandes entreprises doivent donc s’adapter pour allier ces capacités à une approche entrepreneuriale développée en interne (remise en question de leurs business models traditionnels, évolution du management pour intégrer davantage de data scientists dans l’entreprise et développer une culture de la donnée), et en externe (innovation ouverte par l’intermédiaire d’incubateurs, de fab lab ou de fonds de corporate venture, identification de tendances et création de partenariats avec les entreprises du numérique et les start-up).

 

Pouvoirs publics, prenez vos responsabilités sur le long terme

 

Les entreprises ne sont pas les seules à pouvoir favoriser l’innovation. La puissance publique se doit, elle aussi, d’y participer, d’une part en établissant les conditions optimales pour son développement, d’autre part en apportant une réponse adaptée à ses effets indésirables. Traditionnellement en France, l’Etat favorise une vision « R&D » de l’innovation (à travers les programmes d’Investissements d’avenir, par exemple) mais il pourrait également soutenir l’innovation par d’autres moyens comme le co-financement de l’innovation avec les entreprises, la commande publique ou encore la mise en place d’incitations auprès des consommateurs.

Au-delà, l’enjeu le plus important reste l’appréhension des potentiels effets négatifs de l’innovation. La nouvelle révolution industrielle aura sans aucun doute des conséquences importantes sur la structuration de l’économie, à commencer par l’emploi, et donc sur la nature et la proportion des inégalités. Dans ce contexte, il faudra concentrer l’action publique sur l’employabilité des salariés tout au long de la vie et flexibiliser le marché du travail pour favoriser les emplois peu qualifiés liés directement ou indirectement à l’innovation, en rappelant que la première des exclusions demeure bel et bien le chômage.

Face aux menaces qui se font jour, hommes politiques et salariés n’hésitent pas à faire part de leur réticence au sujet de l’innovation. Or il ne faudrait pas que des craintes quant au court terme mettent en péril une source de croissance avérée sur le long terme, et il sera sans aucun doute plus utile d’accompagner les conséquences négatives de l’innovation que de tenter de freiner cette dernière.

 

L’Observatoire de l’innovation de l’Institut de l’entreprise est présidé par Christophe de Maistre, président-directeur général de Siemens France, et ses travaux ont été supervisés par  Delphine Manceau, professeur à ESCP Europe, assistée de Julie Fabbri, de ESCP Europe, rapporteur de l’Observatoire. Eudoxe Denis, directeur des études de l’Institut de l’entreprise, a supervisé le cadrage du projet et de l’ensemble des séances de l’Observatoire ainsi que la rédaction de la note introductive, co-écrite par Laetitia Strauch, chargée d’études à l’Institut de l’entreprise.

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