Anticipant une « grande vague » de faillites d’entreprises dans les semaines à venir, la société d’assurance-crédit a innové pour proposer à ses clients de nouvelles solutions et négocié avec les pouvoirs publics pour permettre la continuité d’activité d’entreprises devenues non-assurables. Cette crise inédite a également poussé Coface à évaluer plus systématiquement le risque sanitaire.

 

Date de publication : 01/06/2020

Une enquête réalisée auprès de Antonio Marchitelli, Directeur Général France et Europe

 

Des offres adaptées pour accompagner les clients dans la crise

« Le biorythme de l’économie va plus vite que d’habitude. On le sait, il y aura beaucoup de défaillances d’entreprise. Les clients et nos partenaires sont très préoccupés par les risques d’impayés, plus encore que d’habitude. Nous avons conçu toute une série d’offres innovantes pour protéger au mieux leurs activités ». Avec une activité contracyclique, l’entreprise a vu son activité accélérer : « Dans les moments de crise, les gens ont une propension à s’assurer, à mesurer les risques. Quand tout va bien, ils ont tendance à moins y penser ».

Si Coface France a ainsi constaté une forte baisse d’activité de ses clients, « notamment certains secteurs déjà fragilisés, comme l’automobile, ou opérant sur certains marchés entrés très tôt en confinement comme le marché italien », la baisse de son chiffre d’affaires n’a pas impliqué une réduction de son activité opérationnelle. Les mesures de prévention des risques se sont accentuées, notamment via un suivi plus étroit des débiteurs présents dans sa base de données mondiale (alimentée par les équipes présentes dans 66 pays et par les partenaires qui permettent de couvrir les risques d’impayés dans 200 pays) : « nous concentrons nos efforts sur l’anticipation des défaillances à venir » (défaillances dont l’assureur-crédit anticipe une « vague importante » dans les semaines et mois à venir, avec la reprise d’activité et la réouverture des tribunaux de commerce). Une activité opérationnelle qui s’est ainsi accélérée, notamment pour proposer de nouvelles solutions aux assurés, à commencer par des dérogations leur permettant de faire face à une situation de crise : Coface leur a ainsi offert de reporter le délai initial de déclaration de sinistre, rallongé de 60 jours ; « Une flexibilité très appréciée ». Les dirigeants de Coface ont par ailleurs négocié avec les pouvoirs publics, au-delà des autorités de contrôle qui sont leurs interlocuteurs habituels : « Pour éviter une détérioration plus forte encore du cashflow des entreprises, nous avons mis en place avec le Trésor, la CCR et BPI, une couverture supplémentaire pour permettre la continuité d’activité d’entreprises devenues non assurables ». Ce complément d’assurance-crédit public (CAP, CAP + et CAP Francexport) « est une forme de soutien aux petites entreprises, mise en place en des temps record et opérationnelle depuis mi-avril ». Un soutien apprécié du ministère des Finances à cette industrie de niche : « Le Trésor a piloté plusieurs groupes de travail, avec les banques, les assureurs et d’autres acteurs. Nous avons une activité de niche, peu connue, mais le risque très spécifique que nous assurons est un point névralgique de l’économie et il était important que nous soyons soutenus pour pouvoir répondre aux besoins ».

 

Une réévaluation du risque sanitaire pour les différents aspects de l’activité du Groupe

« Le point de départ de notre métier n’est pas une évaluation des risques, comme un assureur classique, mais un risque très spécifique qu’est l’environnement des affaires : si le risque sanitaire joue évidemment aujourd’hui, ce n’était pas le premier critère que nous regardions ». Le risque sanitaire était ainsi principalement évalué dans des pays y étant plus exposés, notamment dans les pays émergents. Une appréhension du risque qui a évidemment évolué avec la crise du Covid : « Nos économistes ont commencé à marquer le risque sanitaire de façon plus systématique, via notamment l’analyse du degré de préparation à ce risque : part des dépenses de santé publique dans le PIB, taille des unités de réanimation, etc. De nombreux paramètres qui n’étaient pas forcément étudiés avant, hormis pour quelques pays ».

L’entreprise entend également capitaliser sur l’expérience de cette crise pour ajuster son plan de continuité d’activité (PCA), qui n’intégrait par exemple pas la possibilité pour le service client d’être opéré à distance : « Notre PCA prévoyait un deuxième site, au cas où les locaux actuels seraient hors d’état. Mais cela ne nous a pas aidés dans le cas de cette crise ! Nous avons dû placer toutes les équipes en télétravail. La gestion des appels clients ne pouvait s’opérer au domicile de nos collaborateurs, c’est désormais chose faite. Cela nous prouve que, même avec un solide PCA en place, certains éléments peuvent toujours nous échapper. Ce qui a fait la différence, dans ce contexte, c’est la mobilisation et l’agilité de nos équipes ».

Un travail sur les risques induits par une crise sanitaire sans précédent a par ailleurs dû être engagé : « Nous sommes dans une situation très difficile, en principe temporaire mais qui aura des impacts sur la vie des entreprises ». Coface anticipe ainsi une hausse de 33% des faillites d’entreprises dans le monde et de 21% en France (ce malgré les mesures de soutien prises par le Gouvernement). Début juin, l’assureur-crédit publiera la mise à jour de ses perspectives de l’économie mondiale (cf. encadré).

 

Une digitalisation de l’entreprise accélérée

Parallèlement aux nouvelles solutions proposées à ses clients et partenaires, l’entreprise a également mis à profit une période de travail à distance forcé pour travailler différemment et recourir davantage à la technologie : « On s’aperçoit qu’un cycle continu d’innovation devient crucial pour l’avenir. Cette crise du Covid a accéléré le processus de digitalisation des entreprises. On n’était pas mal positionné mais on a dû accélérer certaines choses. Et on ne reviendra pas en arrière, au contraire : une fois qu’on a montré l’efficacité de certains processus digitalisés, nous allons les maintenir et les exploiter au maximum ». L’entreprise a ainsi accéléré le déploiement d’outils numériques (son portail clients ou son portail courtiers notamment) et la signature électronique de contrats, à laquelle elle ne recourait que peu : « Nous n’y recourrions que pour certains services ou segments. Aujourd’hui, nous l’avons élargie, avec à côté toute une série de nouveaux process pour lutter contre la fraude ». Une période en effet sujette à de nouvelles menaces, notamment en matière de cybersécurité (fraude et hacking notamment). Ces sujets sont la priorité des équipes de gestion des risques de l’entreprise.

« Avant l’annonce gouvernementale du confinement en France, l’ensemble de nos équipes dans le monde était déjà en télétravail. Ce passage au télétravail a été transparent et sans impact pour nos clients et partenaires, ce qui prouve que nous avons su être agiles et anticiper correctement ». Une réorganisation du travail réussie, d’autant plus utile que l’entreprise entend la pérenniser pour les prochains mois : « La reprise à 100% dans les bâtiments comme on y était habitué va prendre a minima un an ; il faut qu’on vive avec cette situation ». Tout en reconnaissant les limites d’un système où le télétravail de longue durée est généralisé : « Pour nous, d’un point de vue opérationnel, nous ne sommes pas pressés car le modèle fonctionne bien avec le travail à distance. Mais il faut reconnaître que ce n’est pas un modèle confortable pour tout le monde, notamment pour les salariés ayant des enfants ou ceux vivant dans des espaces réduits ». D’où la mise en place, dans les bureaux français de l’entreprise, d’une sécurisation des locaux afin de leur faire répondre aux nouvelles normes sanitaires : « Les architectes et experts en sécurité ont réalisé de nombreux aménagements des locaux pour garder les distances nécessaires dans les open spaces, dans les ascenseurs, etc. Nous pourrons ainsi entamer un retour progressif au bureau, qui ne sera néanmoins pas total tant que la pandémie ne sera pas sous contrôle : nous ne mettrons pas nos salariés en risque ».

 

Un Outlook à paraître début juin

« Nous sommes confrontés, notamment en Europe, à une récession d’une magnitude sans précédent. Le seul pays en Europe qui avait un PIB trimestriel négatif au début de l’année était l’Italie, désormais c’est le cas de la quasi-totalité des pays européens ». Les estimations de Coface s’orientent désormais vers une croissance du PIB négative dans tous les pays d’Europe, « avec un impact autour de -11,6% en France, similaire au Royaume-Uni, pire en Italie et Espagne, un peu mieux en Allemagne avec -7,2% et, pour le monde, -4,3% ». Autre indicateur : l’index de confiance des directeurs d’achats, qui « n’a jamais connu une baisse aussi significative » : alors qu’on évalue s’il est positif ou négatif en fonction d’un seuil fixé à 50%, cet index est aujourd’hui de 30% dans le secteur manufacturier et de 10% dans les services. « Ce confinement a fortement impacté les activités industrielles et sectorielles, dont certaines, comme la construction, ont été pratiquement à l’arrêt ». Une baisse d’activité que Coface analyse également à travers le recours au chômage partiel : « Si le secteur pharmaceutique a utilisé à 12% cet outil, l’hôtellerie et restauration y a recouru à 90%, voire plus ».

Le scenario de base de l’assureur-crédit, dans lequel il n’y aurait pas de nouvelle vague du virus et de nouvelles mesures de confinement, anticipe une reprise de l’activité l’année prochaine, « avec une croissance mondiale proche de 5%, et 9,7% pour la France ».

L’intégralité des estimations de Coface paraîtra début juin et seront à retrouver ici.

 

 

Antonio Marchitelli, Directeur Général France et Europe

 

Crédit photo du bandeau-titre : ©Alexandra de Csabay

Vous voulez recevoir la Quotidienne des Entreprises En Action ? Cliquez sur l'icône représentant une enveloppe sur notre site !

Vous voulez proposer le témoignage de votre entreprise ? Écrivez-nous ICI