Empreinte écologique des bâtiments, mutation des sources d’énergie, impact sanitaire des technologies, augmentation des risques liés aux catastrophes climatiques… dans un monde peuplé de près de 8 milliards d’êtres humains étroitement interdépendants, la question de la transition énergétique et climatique est désormais au coeur des préoccupations des citoyens et des entreprises, tous secteurs confondus.

Malgré les efforts qu’elles déploient, et le profond mouvement de transformation engagé en faveur de pratiques durables, les entreprises ne sont cependant que le 5ème acteur sur lequel comptent les Français pour faire face au défi écologique, selon une étude de l’Institut de l’Entreprise.

Pourtant, par leurs capacités d’innovation technologique et de financement, leur efficacité dans la mise en oeuvre économiquement viable de projets complexes, elles sont, aux côtés et en partenariat des pouvoirs publics, des atouts clés face aux nombreux enjeux énergétiques et environnementaux.

« Il ne s’agit pas de sur-fiscaliser mais de réorienter la fiscalité pour lui donner une coloration plus verte. »

Jean-Pierre Clamadieu, Président d’ENGIE

Co-Président de la commission « Environnement »

« Les entreprises leaders seront celles qui arriveront à se positionner sur le marché avec une approche combinant transformation digitale et décarbonisation. »

Béatrice Kosowski, Présidente d’IBM

Co-Présidente de la commission « Environnement »

Les propositions

Proposition n°12 : Accélérer, mesurer et rendre publique la prise en compte, dans la commande publique, de critères contributifs à la transition énergétique et climatique (en application de l’article 35 de la loi « Climat et Résilience »).

La loi « Climat et Résilience » d’août 202113 a prévu dans son article 35 que les marchés publics doivent intégrer des critères « de développement durable, dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale » dans leurs appels d’offre et dans l’évaluation des réponses.

Toutefois, le même article précise que le décret d’entrée en vigueur de ces dispositions peut être adopté d’ici 2026 – et ce dernier n’a, de fait, toujours pas été signé à ce stade. Ce qui signifie que pour l’instant, les acheteurs publics ne sont pas obligés de privilégier dans leurs choix de biens et de services les entreprises qui font l’effort de se mettre en conformité avec les exigences de la transition énergétique et climatique.

Or, en France, les structures publiques (collectivités, État, bailleurs sociaux, établissements de santé et autres opérateurs) sont les premiers acheteurs, puisque l’achat public représente à lui seul plus de 9% du PIB14.

Au-delà de la valeur d’exemplarité que représenterait le fait de privilégier les entreprises qui agissent en faveur de la transition énergétique et climatique, il est clair que l’effet d’entraînement d’une telle masse d’achat ne peut qu’être colossal concernant lesdites transitions en France.

Pour ce faire, le meilleur moyen semble d’accélérer et de faire connaître largement, sans attendre 2026, la mise en vigueur du décret d’application de l’article 35 de la loi « Climat et Résilience », qui impose non seulement la prise en considération des critères de qualité énergétique et climatique des biens et services achetés par l’État, mais également la mise en place d’un pilotage au travers d’« indicateurs précis, exprimés en nombre de contrats ou en valeur et publiés tous les deux ans, sur les taux réels d'achats publics relevant des catégories de l'achat socialement et écologiquement responsable parmi les achats publics réalisés par la collectivité ou l'acheteur concerné. Il précise les objectifs cibles à atteindre pour chacune de ces catégories ».

Proposition n°13 : Créer une administration de mission, permettant aux entreprises et aux filières de bénéficier d’une meilleure coordination publique, afin de faire avancer plus vite et plus efficacement les nombreux projets techniques, financiers ou éducatifs en faveur de la transition énergétique et climatique.

Les entreprises, qui sont conscientes de la nécessité d’accélérer les efforts en matière de transition énergétique et climatique et volontaires pour le faire, ont besoin pour cela d’interlocuteurs et de décisions publiques mieux coordonnés. La dispersion de la décision et de l’information entraine en effet un manque d’efficacité et d’impact pour mener à bien des projets structurants et mettre sur pied d’importants partenariats publics-privés.

Sans promouvoir une administration sur-centralisée, il est possible d’améliorer la coordination avec les acteurs privés autant qu’entre les acteurs publics, au sein de la galaxie ministérielle et administrative.

Cette coordination pourrait être assurée par une administration de mission, qui pourrait par exemple être positionnée en appui de structures déjà existantes comme l'ADEME (Agence de la transition écologique), serait dotée d’une forte délégation de pouvoirs du politique, reposant sur une compétence technique affirmée, et capable de piloter les objectifs et projets complexes nécessaires à la transition énergétique et climatique, en particulier ceux qui reposent sur une étroite collaboration entre le public et le privé.

Proposition n°14 : Passer au niveau supérieur d’ambition pour les financements de la transition énergétique, avec des plans clairs, coordonnés par une administration de mission (cf. proposition n°13), par exemple sur :

  • Le bâtiment
  • Les bornes de recharge électrique (via un plan de déploiement similaire à celui de la fibre)
  • Les greentechs : à défaut d’être un grand émetteur de gaz à effet de serre au niveau mondial en raison de son échelle réduite et de son mix énergétique orienté sur le nucléaire, la France peut avoir un impact positif grâce à la qualité de ses innovations.

La transition environnementale, notamment en matière d’énergie et de réduction de l’impact climatique des activités humaines, implique un développement industriel et technologique majeur dans plusieurs domaines-clés. L’association, dans une logique de filière, entre les pouvoirs publics et les entreprises apparaît comme un facteur déterminant pour identifier les obstacles pratiques et réglementaires, mobiliser les financements et assurer le passage à l’échelle dans la production.

L’organisme d’interface décrit dans la proposition n°13 aurait la responsabilité de piloter la mise en oeuvre de tels plans d’investissement, pour lesquels il est nécessaire de penser un changement d’envergure.

Proposition n°15 : Bien qu’il ne s’agisse pas à proprement parler d’une proposition mais plutôt d’une interpellation, les membres de l’Institut de l’Entreprise souhaitent demander aux candidats d’expliquer comment ils comptent, à périmètre constant, flécher les ressources issues de la fiscalité vers les besoins de transition énergétique et climatique.

Il ne s’agit en aucun cas d’inciter à la création d’une fiscalité supplémentaire, qui impacterait les entreprises et les ménages, mais de réorienter la fiscalité existante pour la faire contribuer plus clairement à la transition énergétique et climatique.

Les membres de la commission

Sous la présidence de Jean-Pierre Clamadieu (Président d’ENGIE) et Béatrice Kosowski (Présidente d’IBM France), la commission « Transition énergétique et climatique » a réuni :

  • Méka Brunel (Directrice générale de Gecina),
  • Thibault Chassagne (Co-fondateur et co-CEO de Virtuo),
  • Olivier Colleau (Directeur général de Kiloutou),
  • Xavier Huillard (Président-directeur général de Vinci),
  • Helle Kristoffersen (Directrice générale en charge de la Stratégie et de la RSE de TotalEnergies),
  • Éric Lenoir (Directeur général d’Euler Hermes France),
  • Patrice Morot (Président PwC France et Maghreb),
  • Caroline Parot (Directrice générale d’Europcar Mobility Group),
  • Jean-Luc Petithuguenin (Président de Paprec),
  • Sophie Proust (Chief Technology Officer Groupe d'Atos)
  • Laurent Tardif (Président-directeur général de Prysmian Europe du Sud & Président de la FIEEC – Fédération des Industries Électriques, Électroniques et de Communication)
  • Florence Tondu-Mélique (Présidente-directrice générale de Zurich France).

Perception citoyenne

Recourir à des sources d’énergies plus propres et limiter l’influence humaine sur le climat fait consensus. La prise en compte de cette problématique par les entreprises est jugée incontournable pour beaucoup, et pas seulement les jeunes.

« Ça me paraît essentiel. Ça devient une idée commune à tous l’environnement, pour de plus en plus de gens, c’est quelque chose de vraiment urgent et essentiel. »

Bayonne 30-45 ans

« Ça doit passer par eux, car ils ont plus de poids que nous simples petits particuliers. »

Saint-Paul de la Réunion, 30-45 ans

 

Mais l’action en faveur de la réforme énergétique et climatique n’est clairement pas la première des valeurs attendues de la part des entreprises, surtout chez les plus modestes qui ont toujours en ligne de mire « la fin du mois » avant la « fin du monde ». Toutefois, même si elle ne constitue pas la priorité de beaucoup de Français, certains ont une conscience diffuse qu’il faudra donner à la dimension environnementale la primauté dans les années qui viennent.

« L’environnement je ne dirais pas que ce n’est pas important, mais ce qui va m’intéresser c’est déjà de trouver un travail, un revenu. Ensuite on voit l’environnement. Je ne vais peut-être être mal jugé mais chacun pense déjà à la satisfaction de son besoin. »

Castelsarrasin, 30-45 ans

« Forcément, si je dois choisir oui, je peux fermer les yeux sur l’environnement pour avoir un salaire à la fin, mais on sait que la problématique est importante et qu’on ne doit pas continuer à fermer les yeux. »

Bron, 18-29 ans

 

Attendues sur cette thématique du fait de leur poids économique, les entreprises ne sont pas perçues encore comme suffisamment proactives par certains Français…

« Je ne suis pas persuadé que l’entreprise soit la plus à même d’être moteur, même si c’est son job. Parce que pour elle, c’est avant tout plus une contrainte qu’un atout. C’est un coût. »

Angers, 46-65 ans

« Pour ma part, les entreprises ne sont pas du tout concernées par l’environnement. C’est quelque chose que j’ai l’impression de voir comme une contrainte pour elles, ce sont des effets secondaires et on verra plus tard. Ce n’est pas ce qui fait rentrer de l’argent dans leurs poches, c’est secondaire et c’est dommage. »

Bayonne, 30-45 ans

 

…Alors que, au regard de l’impact qu’on leur reconnait sur la société, un rôle d’exemplarité, aussi bien interne qu’externe, leur est assigné.

« À travers sa pratique elle va transférer des valeurs de respect de l’environnement à ses salariés donc elle a une double action. Sans compter les enjeux climatiques, elle peut déjà travailler à son échelle. »

Argenton-sur-Creuse 46-65 ans