Inscrites dans les programmes de SES, la politique monétaire et la politique budgétaire sont expliquées aux enseignants et leurs élèves sur le site Melchior.fr. Or, dans la situation inédite que nous traversons, le cadre dans lequel s’exercent ces politiques est en train d'être profondément modifié. Patrick Artus nous propose ici des rappels importants sur l’interaction entre politique budgétaire et politique monétaire pour mieux comprendre le mécanisme de monétisation de la dette publique qui se joue aujourd'hui.

L'éco à la maison avec Melchior.fr

 

Déficits publics massifs monétisés

La crise du coronavirus pousse tous les pays de l’OCDE à mettre en place une politique budgétaire très expansionniste (le déficit public pourrait atteindre 6 à 7% de PIB dans la zone euro, 14% du PIB aux États-Unis) pour soutenir les entreprises, les salariés qui perdent leur emploi, en raison simplement du recul des recettes fiscales. 

Si les dettes publiques supplémentaires émises pour financer ces déficits publics étaient placées sur les marchés obligataires sans le soutien des Banques Centrales, elles sont si importantes qu’il y aurait hausse des taux d’intérêt à long terme, ce qui aggraverait la crise. On a vu effectivement cette hausse des taux d’intérêt apparaître avant que les Banques Centrales n’interviennent.

Ceci a conduit à ce que les Banques Centrales mettent en place des programmes massifs d’achats d’obligations, des États et des entreprises. La Réserve Fédérale a démarré un Quantitative Easing sans limite de taille, la BCE au total de 1000 milliards d’euros. Cette organisation (déficits publics massifs et Quantitative Easing) nous conduit à réfléchir à plusieurs mécanismes.

Annulation de facto de la dette publique émise et helicopter money

Tout d’abord, cette organisation est bien une monétisation des dettes publiques. Il faut en effet rappeler qu’une obligation souveraine (d’un État) irréversiblement achetée par la Banque Centrale est de facto annulée et remplacée par de la monnaie.

Les Banques Centrales versent leurs profits aux États. Lorsque la Banque Centrale détient de la dette publique, l’État lui verse des intérêts sur cette dette, mais la Banque Centrale rend ces intérêts à l’État : cette dette publique devient donc gratuite.

Si la Banque Centrale ne réduit pas la taille de son bilan, lorsque l’obligation achetée arrive à échéance, la Banque Centrale en achète une autre (elle « roule » la détention de dette publique). L’obligation achetée est donc gratuite et n’est jamais remboursée, elle est donc, de fait, annulée.

De même, cette organisation est aujourd’hui équivalente à l’helicopter money. Si un État fait une dépense publique ciblée (c’est le cas aujourd’hui avec, par exemple, dans la zone euro le financement du chômage technique, aux États-Unis la distribution de revenus à tous les Américains), si cette dépense publique est financée par l’émission d’une obligation souveraine (du secteur public), qui est ensuite achetée par la Banque Centrale, donc, on vient de le voir, annulée et remplacée par de la monnaie, tout se passe comme si directement de la monnaie était donnée aux chômeurs ou à tous les ménages : c’est de l’helicopter money.

Pas de crise des dettes publiques

Nous sommes donc aujourd’hui en régime de monétisation de la dette publique et d’helicopter money. Ceci implique qu’il ne sert à rien de réclamer l’helicopter money, il est déjà en place ; qu’il ne peut pas y avoir de problème de solvabilité budgétaire ou de crise des dettes publiques, puisque, on l’a vu, la dette supplémentaire est de facto annulée.

Il reste à savoir ce qu’est la limite à l’expansion de la quantité de monnaie et de la taille du bilan de la Banque Centrale. Ceci sera le sujet du prochain texte.

 

Patrick Artus, économiste français et directeur de la recherche et des études de Natixis

 

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