Le moment que nous vivons est voué à transformer sur le long terme notre mode de vie

Selon Philippe Guillemot, le Groupe Elior fait face à cette crise, qui impacte drastiquement certains de ses marchés, avec les valeurs de responsabilité et de solidarité qui sont les siennes, et grâce à l’engagement exceptionnel de tous ses collaborateurs qui accomplissent courageusement leurs missions d’intérêt général. Les circonstances actuelles soulignent avec force le caractère essentiel des missions du Groupe en soutien aux services publics, notamment dans les hôpitaux, les EHPAD, les institutions pour personnes en situation de handicap, auprès des personnes âgées isolées et en support des activités vitales. Le Directeur Général du Groupe a la conviction que cette épidémie aura un impact durable sur nos modes de vie et nos manières de travailler. En ce sens, bien que pleinement mobilisé dans la gestion des urgences dictées par les circonstances, il a demandé à une partie des équipes de se concentrer sur l’après, car les besoins, les attentes, les contraintes auront muté. Ainsi Elior ne perd pas de vue ses objectifs - dont le premier est de faire de chaque repas un acte bon pour la santé, bon pour la planète, et un moment de plaisir - et se préparer à inventer, avec toutes les parties prenantes, le jour d’après, un nouveau chemin pour y parvenir.

Institut de l'Entreprise - Comment Elior group arrive-t-il à gérer la crise du Covid-19 et quels sont les premiers impacts les plus significatifs ressentis dans ses activités ?

Philippe Guillemot - Nous sommes une entreprise de restauration collective implantée sur 3 continents. La pandémie à l’œuvre touche à présent tous les pays où Elior opère, avec pour conséquences notables la décision des gouvernements de fermer les écoles et les universités, et les mesures de confinement qui concernent désormais un être humain sur deux. L’impact du Covid-19 sur notre entreprise est forcément majeur, et pluriel. Chez Elior, nous y faisons face avec nos valeurs de responsabilité et de solidarité, et grâce à l’engagement de tous.

Certains de nos marchés connaissent une forte baisse d’activité. Le secteur de l’Enseignement est à l’arrêt. Le secteur Entreprises est marqué par la mise en place massive du télétravail et des fermetures d’usines qui impactent nos restaurants mais nous amènent aussi à répondre autrement aux besoins spécifiques de nos clients, notamment industriels. Les équipes d’Elior se sont rapidement organisées pour proposer des offres adaptées qui leur apportent tout le support nécessaire dans la mise en œuvre de leurs plans de continuité d'activité, et ce dans les meilleures conditions d’hygiène et de sécurité.

Les activités d’Elior dans le secteur de la Santé sont, en revanche, fortement sollicitées en Restauration dans l’ensemble de nos pays, ainsi que pour les activités de Services en France. La crise actuelle souligne le caractère essentiel de nos missions en soutien aux services publics des États et des collectivités, notamment dans les hôpitaux, les cliniques, les EHPAD, les institutions pour personnes en situation de handicap, auprès des personnes âgées isolées que nous servons à domicile, et en support des activités vitales (armée, police, pompiers, etc.). Nos cuisines centrales sont aussi mobilisées pour fournir des repas, notamment aux personnels de soins actuellement mobilisés à la demande des autorités. Je dois dire que je suis particulièrement fier de l’engagement exceptionnel dont mes équipes font preuve pour accomplir courageusement leurs missions d’intérêt général. Ils sont un maillon dans la chaîne formidable qui s’est déployée pour les Français en soutien aux soignants. J’espère que cet engagement va enfin permettre la juste reconnaissance de nos métiers, trop souvent dans l’ombre, au service de tous.

Enfin, comme dans toutes les entreprises, cette épidémie a - et aura durablement - un impact sur nos manières de travailler. L’impératif de protéger la santé de nos collaborateurs, celle de nos clients et celle de nos convives nous commande des mesures d’hygiène et de sécurité encore plus drastiques qu’à l’accoutumée. Nous les avons mises en œuvre et en suivons chaque jour leur application rigoureuse. Fort heureusement, nous étions loin de partir de zéro. Nous sommes des restaurateurs responsables, équipés et organisés pour nourrir, en temps normal, plus de 5 millions de convives à travers le monde, chaque jour. Partout, la sécurité sanitaire est le premier de nos fondamentaux. C’est d’ailleurs le point essentiel par lequel je démarre systématiquement chaque Comité Exécutif depuis plus de 2 ans que je dirige Elior. Dans cette période où plus personne ne peut considérer les enjeux de santé comme une priorité de second ordre, le savoir-faire des équipes Elior est plus que jamais remis au goût du jour. C’est donc naturellement que dès fin janvier, notre réseau sécurité a pu largement communiquer sur les gestes barrières à nos 110 000 collaborateurs.

Cette crise sanitaire aurait-elle pu être prévisible ?

Chez Elior, notre culture internationale et notre forte présence en Italie nous ont amenés à prendre la mesure dès la mi-février de la réalité de cette épidémie. Non seulement le siège d’Elior Italie est à Milan, mais nous sommes l’opérateur de restauration de l’hôpital de Codogno, ville lombarde qui sera la première zone d’Europe à être confinée. Nous avons agi sans perdre une minute. Le Groupe s’est mobilisé pour venir en aide à nos collègues italiens aux avant-postes. J’ai suivi chaque soir avec mon Directeur des ressources humaines et en lien constant avec le Directeur général de notre filiale italienne l’évolution de la situation. Nous avons suivi la mise en œuvre des moyens nécessaires à la protection de nos équipes et de nos clients, ainsi qu’à la poursuite de nos missions dès qu’elle était possible. Dès ce moment, nous avons en effet décidé d’être proactifs vis-à-vis de nos clients en leur proposant des solutions adaptées pour leur permettre de basculer plus facilement en mode de gestion de crise et de mettre en œuvre leurs plans de continuité d’activité.

Lorsque la crise a traversé les Alpes, nous avions déjà pu préparer la mise en œuvre de mesures similaires en France. De même qu’en Espagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Inde. L’adaptation aux mesures de confinements décidées dans ces pays a été immédiate car anticipée.

Le temps viendra, dans chaque entreprise, de tirer toutes les leçons structurelles de cette crise. Il s’agit pour l’heure de faire front, avec nos collaborateurs, en jouant notre rôle de restaurateur responsable aux côtés des forces vives qui ont besoin de nos services.

Comment garder le cap d’un plan stratégique pluriannuel quand on est percuté dans son organisation et son business par une crise d’une telle ampleur ?

Je suis mobilisé depuis 2 mois dans la gestion de cette crise en devenir, devenue réalité. Depuis plusieurs semaines, je consacre une partie croissante de mon temps à la gestion de cette crise dans la durée. Dès le 3 mars, nous avons pris - avec les Directeurs généraux de nos filiales restauration et services - la décision de basculer nos instances managériales en mode gestion de crise et de réunir tous les soirs notre cellule complète. Face à une pandémie mondiale, la direction de l’entreprise doit être absolument mobilisée. C’est notre rôle.

Le moment que nous vivons est voué à transformer sur le long terme notre mode de vie. Pour autant, je tiens à ce que nous gardions un mode de décision pérenne et stable – qui a déjà fait ses preuves - pour faire face à la situation de manière responsable. C’est pourquoi nous avons maintenu inchangé le modèle de gouvernance qui prévaut chez Elior et qui démontre à nouveau sa robustesse et sa pertinence dans la crise. La gestion de crise ne s’exerce pas aux dépens des engagements essentiels dans notre métier : la santé de nos collaborateurs, celle de nos clients, de nos convives, et la pérennité de notre entreprise qui emploie 110 000 personnes dans le monde et plus de 40 000 en France. Tous nos rituels de management sont ainsi préservés à l’agenda : points systématiques sur la sécurité, business reviews BU par BU, pays par pays, activités par activités…

C’est aussi la raison pour laquelle nous avons tenu l’Assemblée Générale d’Elior à la date prévue, le 20 mars dernier quatre jours seulement après l’annonce du confinement. Ce rendez-vous annuel, exercice de transparence sur l’année passée, est très important pour nos actionnaires de toutes tailles et pour la vie de l’entreprise. Là aussi, nous avons dû nous adapter : l’AG d’Elior a eu lieu à huis clos, toute réunion publique étant désormais interdite. Nous étions 4 (la Directrice financière, le Directeur juridique, le Directeur de la communication et moi-même) à La Défense, dans une Tour Égée déserte, sans pour autant priver nos actionnaires de l’information habituelle. Cette adaptation de dernière minute s’est faite après concertation avec le Conseil d’administration que je remercie pour son soutien.

Comment garder le cap d’un plan stratégique pluriannuel, et de sa stratégie de fond, quand on est percuté à ce point dans son organisation et son business par une crise d’une telle ampleur ?

Cette période s’annonce pour durer. Il nous faut gérer les urgences, s’assurer du bon fonctionnement des secteurs toujours en activités mais aussi – déjà – préparer l’avenir.

J’ai demandé à une partie des équipes de se concentrer sur l’après : d’abord sur la préparation de la sortie de crise. Lorsque les cantines scolaires et les entreprises sortiront progressivement du confinement. Et qu’il nous faudra comme toujours accompagner nos clients dans cette période de transition.

Mais il nous faut aussi réfléchir dès aujourd’hui à un horizon de plus long terme : quand le confinement s’estompera, les entreprises, nos clients et nos convives reprendront-ils la vie d’avant comme si rien ne s’était passé ? Je suis convaincu du contraire. Je crois que cette sortie de crise s’accompagnera de changements profonds. Ce sont ces changements qu’il nous faut anticiper, et autant de solutions qu’il nous revient d’inventer. Un défi dont je sais mes équipes pleinement capables. Ce qui est certain, c’est que nous serons prêts, dès le confinement levé, quels qu’en soient le moment et la forme.

Un mot aux salariés, aux entrepreneurs, aux lecteurs d’#EntreprisesEnAction ?

Trois mots si vous me le permettez :

Les deux premiers : BRAVO et MERCI, à tous ceux et à toutes celles qui, dans chaque secteur de l’économie, déploient leur énergie et leur volonté pour poursuivre leurs activités au service de ceux qui en ont besoin. Je pense en particulier à ceux qui sont nos interlocuteurs quotidiens chez Elior : les producteurs locaux. Cette crise les met à rude épreuve et pourtant ils se relèvent les manches, sur tout le territoire, pour continuer à produire les légumes, le lait, les œufs, et toutes ces denrées indispensables au pays. L’engagement de chacun est déterminant pour la préservation de notre tissu économique, de nos emplois, et j’irai même plus loin : de notre qualité de vie.

Le dernier mot… INVENTONS NOTRE FUTUR. Collectivement, nous sortirons de cette crise profondément changés. Les besoins, les attentes, les contraintes auront muté. Ce bouleversement est aussi inéluctable que souhaitable. Beaucoup est à repenser. Dans la vie quotidienne des entreprises. Dans les solutions que nous apportons à nos clients. Et bien entendu, pour nous restaurateurs, dans l’offre que nous proposons à nos convives pour faire de chaque repas un acte bon pour la santé, bon pour la planète, et un moment de plaisir. Chez Elior, nous ne perdrons pas de vue ces objectifs qui étaient déjà notre mantra avant l’irruption du Covid-19. À nous d’inventer, avec tous, le jour d’après, un nouveau chemin pour y parvenir.

 

Philippe Guillemot, Directeur Général du Groupe Elior

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