La fermeture des lycées en pleine période scolaire a fait basculer l’enseignement dans un autre univers : celui de la distance et de l’écran d’ordinateur. Si les témoignages des parents sur cette période d’école à la maison ont été nombreux dans les médias, la parole des enseignants a été plus rare face à cette situation inédite. Au pied levé, ces derniers se sont pourtant lancés dans la mise en œuvre de nouvelles pratiques pour poursuivre leur enseignement et entretenir les liens avec leurs élèves. Ils ont su faire preuve d’une grande agilité dans l’utilisation des outils et d’un très fort engagement dans le temps consacré à chacun de leurs élèves.

Alors que la date du 11 mai a été avancée pour entamer le déconfinement dans les écoles, nous avons voulu poser la question à Laurent Braquet, professeur de SES au lycée Gustave Flaubert (Rouen) pour en savoir plus sur son quotidien d’enseignant confiné. En quoi cette crise aura-t-elle changé son regard sur l’exercice de son métier ? 

La crise que nous vivons nous oblige en tant qu’enseignant à adapter nos méthodes de travail pour garder un lien avec nos élèves et étudiants, et assurer la continuité pédagogique.

Avant le confinement, nous avions avec mes élèves installé un rythme de travail et un planning de devoirs et d’évaluations, mais le confinement a nécessité de revoir profondément cette organisation, avec évidemment des rythmes sociaux différents.

En tant qu’enseignant j’ai dû réorganiser mon propre temps de travail pour assurer la continuité pédagogique de mes élèves au quotidien, en coordination avec mon lycée qui nous a tenu informés. Mais j’ai dû aussi en tant que parent, comme de nombreux salariés, participer à la continuité pédagogique de mes enfants, dont l’une est en classe de CP et l’autre en 5ème.

Cette crise m’a obligé, dans un délai bref, à inventer de nouvelles modalités de travail avec mes élèves. Cette crise est très anxiogène pour les familles et aussi pour les enseignants, au sens où l’on craint, sans avoir son public habituel en interaction de face-à-face, de ne pas « être à la hauteur », de pas savoir répondre à toutes les sollicitations avec les mots justes. Comment dans ce contexte relancer ses élèves qui n’auraient pas répondu au bout d’un certain temps, et ne pas perdre le lien, et notamment avec ceux qui sont les plus en difficulté ?

Le dilemme est de donner la dose optimale de travail durant cette période : maintenir les efforts par des exercices, des QCM de révisions, des dossiers documentaires à lire, des conseils de lecture, des parties d’épreuves type bac à rédiger, pour capitaliser sur le travail qui a déjà été effectué. Mais ne pas provoquer une surcharge qui serait contre-productive, sachant que les élèves ont aussi d’autres matières. Il est difficile dès lors d’évaluer la pression du travail qu’ils doivent assumer avec les autres professeurs. Au-delà du travail sur les programmes, j’ai aussi essayé de maintenir un lien avec mes élèves quant au suivi de l’actualité économique et sociale, très important dans ma discipline, et particulièrement dans le contexte de crise économique inédite, en leur envoyant divers liens et notamment vers le site Melchior.

A mon avis la période de confinement que nous vivons va être un accélérateur de la transformation de nos échanges avec les élèves vers l’usage du numérique, qui va s’installer encore davantage dans le paysage de notre pratique professionnelle. En réalité, en temps normal, nous utilisons déjà le numérique avec les logiciels type ProNote, les espaces numériques de travail (ENT)… Mais la situation nous impose d’intensifier notre usage de ces outils, et de nous questionner sur leur mobilisation et les usages pédagogiques que l’on en fait. Je dois dire que cela m’a forcé à explorer davantage le potentiel de ces outils qui étaient à notre disposition, et qu’une meilleure maîtrise en la matière me serait sans doute nécessaire.

Un autre aspect stressant pour nous enseignants est qu’il très difficile d’évaluer dans ce contexte les rendus de nos élèves, dans la mesure où nous savons qu’ils se trouvent dans des conditions très diverses sur le plan de l’équipement informatique à la maison, ou des possibilités de se concentrer dans leur environnement, et en termes d’accompagnement. Il y a là un risque d’iniquité dans l’évaluation. Toutefois, et dans la mesure où, comme nous, nos élèves sont adeptes du smartphone, j’ai compris qu’ils pouvaient ainsi mobiliser rapidement les alertes, les mails et les sites en lien avec leur scolarité, et qu’ils l’utilisaient pour nous interpeller. 

Comme cette période est une transition qu’il nous faut accompagner au mieux, et que nos élèves se construisent, au-delà d’une continuité pédagogique, dans une continuité de parcours vers l’enseignement supérieur, j’ai dû me tenir informé des choix effectués par les formations supérieures. Étant professeur principal de ma classe de terminale ES, j’ai répondu, avec mon collègue d’histoire-géographie, à beaucoup de questions et inquiétudes de nos élèves sur l’orientation et les enjeux de Parcoursup et des concours vers le PostBac, dans la mesure où les formations de l’enseignement supérieur ont dû chambouler leur organisation.

Source : Melchior

Laurent Braquet, Professeur de SES au Lycée Flaubert

Vous voulez recevoir la Quotidienne des Entreprises En Action ? Cliquez sur l'icône représentant une enveloppe sur notre site !

Vous voulez proposer le témoignage de votre entreprise ? Écrivez-nous ICI