Chaque jour durant cette crise du Covid-19, des dirigeants d’entreprise, des économistes, des universitaires et des décideurs issus d’horizons variés partagent leurs observations et leurs convictions dans un journal de bord, que nous avons appelé « La Quotidienne des Entreprises en Action ».

Au terme de ce premier mois de publication, Paul Allibert, Directeur Général de l’Institut de l’Entreprise, nous propose un itinéraire analytique, à visée prospective, au travers de l’ensemble de la production de la Quotidienne depuis son démarrage. Sans prétendre à l’exhaustivité, l’objectif est d’identifier les principales tendances qui pourraient s’observer dans les entreprises suite au Covid-19. Il ne s’agit pas ici de prédire le déroulement des faits après le 11 mai, début annoncé du déconfinement en France, mais de décrire ce que nous observons d’ores et déjà comme dynamiques susceptibles de déterminer les décisions et les actions des dirigeants d’entreprises au cours des mois et des années à venir.

À quoi l’après-crise du Covid-19 ressemblera-t-il ? Il paraît difficile de le déterminer de manière certaine. Pour autant, les indices ne manquent pas lorsqu’on recoupe les nombreux témoignages et les premières analyses livrés par les dirigeants et les économistes qui contribuent à « La Quotidienne des Entreprises En Action ».

Les incertitudes elles-mêmes font partie de ces indices. La durée de la crise sanitaire, la capacité des européens à s’entendre sur un projet de relance commun, la soutenabilité d’un modèle socio-économique français pour l’instant structurellement dépendant de la dette publique… Autant d’inconnues majeures et corrélées, avec lesquelles les entreprises vont devoir durablement composer pour remplir leur mission première, qui est de fabriquer de la prospérité. Nous ne sommes pas entrés dans cette crise par l’Entreprise, mais nous en sortirons grâce à elle.

Pour cela, il leur faudra redémarrer, provoquer la reprise, ce qu’elles comptent faire en gardant à l’esprit trois priorités : la sécurité, la solidarité et un principe d’urgence, dicté notamment par le fait que d’autres régions économiques ont moins décéléré ou plus rapidement repris leurs activités, et se positionnent par rapport à l’Europe et la France comme des challengers offensifs.

Les priorités de cet après-crise seront-elles très différentes de celles qu’avaient les entreprises en mars 2020 ? Au moment où la crise a surgi, elles étaient nombreuses à entreprendre de mieux concilier la RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale), avec leurs stratégies économiques. Rien dans cette crise ne semblant devoir compromettre cet effort, il semblerait plutôt que les tendances à l’œuvre avant le Covid-19 étaient les bonnes et devraient se poursuivre. Il n’y a pas lieu de tout réinventer mais d’accélérer, afin de réussir le grand pari de l’économie libre de marché dans la prochaine décennie, à savoir réconcilier l’opinion française avec l’entreprise.

 

Les entreprises face à trois inconnues

 

Les entreprises françaises font face à un cocktail de conditions économiques à la fois jamais expérimentées par le passé et très risquées. Ce contexte génère beaucoup d’inconnues pouvant impacter leur fonctionnement et même leur existence. Tout l’enjeu des prochains mois sera pour les entreprises de trouver comment redémarrer leur activité, tout en ignorant les réponses à trois interrogations majeures de l’économie.

L’inconnue du scénario sanitaire.

On peut considérer que l’épidémie de Covid-19 entame à présent une phase de pause. La stratégie de confinement semblerait avoir permis d’endiguer la contagion. Le déconfinement, s’il est mené dans de bonnes conditions (avec masques, « gestes barrière », tests, isolation des positifs et traitement au stade le plus précoce possible), devrait aider les autorités de santé à maîtriser le flux des patients hospitalisés, le temps nécessaire pour que la mise en marché d’un vaccin permette de se prémunir réellement contre une nouvelle vague épidémique. Néanmoins, outre le fait qu’une perte de contrôle du rythme de contagion est possible et peut mener à l’instauration de nouvelles périodes de confinement, rien n’est encore sûr concernant le délai pendant lequel le Covid-19 continuera de faire peser un risque de ralentissement brutal sur l’activité des entreprises. Dans ce contexte, il est à prévoir que la relance économique reposera en premier lieu sur l’investissement public, décidé en fonction de critères politiques et non d’une probabilité de gain, car les acteurs privés préféreront sans doute attendre des temps moins incertains pour risquer leur argent dans de nouvelles aventures entrepreneuriales.

L’inconnue de l’unité européenne.

Si la disparition réelle du risque sanitaire liée au Covid-19 est une première inconnue, la résilience de la puissance financière qui maintient l’économie sous perfusion en est une autre. Adossés à leurs banques centrales, les États ont sauvé les entreprises. En apparence, et pour l’instant. Car ce sauvetage plutôt efficace de l’économie réelle, frappée au cœur par l’arrêt fulgurant de la consommation et de la production, pour cause de confinement lié au Covid-19, s’est fait dans toutes les régions du monde au prix d’une croissance spectaculaire de l’endettement public. Cette fuite en avant dans les créances ne peut avoir que deux issues : un défaut, ou un remboursement. La Banque Centrale Européenne (BCE), ayant fait sienne la volonté de sauver les États « quoi qu’il en coûte », a entériné dans les faits l’absence de limites à ses rachats d’actifs, et par conséquent institutionnalisé l’idée d’une dette perpétuelle – supprimant ainsi jusqu’à la possibilité même qu’un pays de la zone Euro fasse défaut. L’impossibilité de faire défaut entraine un paradoxe : il n’est plus nécessaire non plus de rembourser. Il suffit d’emprunter plus. Vertigineuse perspective de l’argent gratuit. Comme le dit Patrick Artus, il n’est plus nécessaire de débattre de la mise en place de l’helicopter money : c’est déjà fait.

Cependant, il existe deux failles dans ce système de sauvetage. La première est le risque d’une sur-inflation qui ferait perdre à la monnaie européenne sa valeur, et donc aux États européens leur corne d’abondance. Cependant, ce risque paraît lointain à qui doit immédiatement sauver des emplois. La seconde faille, en revanche, est visible sous nos pas. Tout ce modèle de consommation monétaire infinie repose sur son acceptation unanime par les partenaires européens. Or l’actualité nous démontre que cette unanimité n’est qu’une construction très fragile. L’édifice du financement européen par la BCE repose en effet entièrement sur l’idée subliminale et téméraire que l’Allemagne et ses excédents commerciaux garantissent in fine la dette des pays de l’Euro, et qu’elle continuera de le faire. Or les tensions intra-européennes, qui sont de plus en plus vives, font peser un risque objectif sur la stabilité de cet échafaudage, et la capacité des européens à s’entendre apparaît de plus en plus comme une véritable inconnue.

L’inconnue du modèle français.

Parmi les éléments susceptibles de provoquer une rupture entre les pays européens, la situation des finances publiques françaises est sans doute l’un des plus sérieux. Comme la plupart de ses voisins, la France est littéralement suspendue à l’argent public, au point qu’il est permis de s’interroger sur la survie de son modèle socio-économique, fondé notamment sur une protection sociale très favorable, la prise en charge de l’enseignement, et des infrastructures publiques de qualité. En effet, ce système, qui est rendu possible par la production initiale de richesses par les 18,5 millions de citoyens travaillant encore début mars 2020 au sein des entreprises ou en tant qu’indépendants, souffre de trois maux. Le premier, conjoncturel, est que la crise du Covid-19 a soudainement et temporairement asséché sa source de financement : au 21 avril, 10,2 millions de personnes avaient basculé dans le chômage partiel. Le second, structurel, est que cette richesse ne suffisait de toute manière plus à financer les dépenses publiques en temps normal, puisque l’État emprunte une partie de son budget annuel depuis plus de 30 ans. Et le troisième, sans issue claire, est que l’importance de ses dépenses va croître de manière colossale pour un temps.

Plus de dépenses, moins de recettes, un endettement apparemment gratuit : tout est en place pour une spirale dont il sera de plus en plus difficile de s’extraire. Par conséquent, il y a une véritable inconnue sur la pérennité intrinsèque du modèle socio-économique français qui, avant la crise, était déjà en souffrance et sans marges de manœuvre claires. Le phénomène des Gilets Jaunes avait démontré le risque de toute augmentation des impôts et la difficulté à maintenir les ambitions de réduction de la dépense publique. Des deux solutions restantes, à savoir la fuite en avant dans la dette, ou l’augmentation du taux d’emploi dans le secteur productif, seule la seconde permettrait de résoudre les problèmes tout en préservant l’avenir. Cependant, la création d’activités productives viables ne se décrète pas et ne se matérialise pas du jour au lendemain. Nous ne savons donc pas combien de temps il faudra pour passer d’un modèle soutenu par la dette à un modèle autoporté par une population active plus productive, ni même si c’est possible.

De toutes les analyses, de tous les témoignages de « La Quotidienne », il ressort clairement que la crise du Covid-19 a précipité, tel un réactif chimique, le modèle socio-économique français dans un état dont l’issue ne peut être positive que si les entreprises sont mises en situation de pouvoir produire davantage de richesses. Un pari qui semble d’autant plus difficile que l’avenir proche est fait d’incertitudes durables, concernant la situation sanitaire et l’unité européenne. Alors que la fonction première des entreprises, générer de la prospérité, se trouve plus que jamais réaffirmée par les circonstances, les dirigeants d’entreprise, conscients de l’enjeu, s’efforcent de jouer leur rôle en provoquant la reprise. Celle-ci s’articulera autour de trois priorités.

 

Les trois priorités qui seront constamment au cœur de la reprise

 

Même en situation de redémarrage, les entreprises resteront focalisées durablement autour de trois notions en essor : la sécurité, la solidarité et l’urgence. Ces trois mots clés, nous les entendons beaucoup chez les dirigeants, à propos de l’avenir à court et moyen terme de leurs entreprises.

Sécurité.

Pour beaucoup de leaders qui ont connu plusieurs crises économiques, celle-ci est à part. « Pour la première fois, elle met les personnes en risque. » Le besoin de protection s’exprime à tous les niveaux de l’entreprise. « L'après », c'est pour l'instant dans la plupart des entreprises ce qui se passe la semaine du 11 mai. Le discours public sur le déconfinement, perçu comme très technocratique, ne diminue pas l'anxiété des Français, qui ont peur de reprendre la vie normale sans masques. Un décalage très important apparaît en la matière entre les entreprises globalement prévoyantes, qui s’organisent pour anticiper le retour au travail dans de bonnes conditions sanitaires, et l’État, vu comme freiné par une approche trop centralisatrice. Dans les entreprises, l’éducation à la sécurité sanitaire et à une nouvelle culture des risques s’est faite en un temps éclair. Il est vraisemblable qu’on n’y considérera plus la grippe saisonnière de la même manière et que les gestes barrière resteront appliqués même pour des maladies auparavant perçues comme bénignes.

En outre, la prise de conscience des risques s’est étendue aux autres menaces qui pèsent sur l’activité des entreprises en France. La crainte de prolongation de la crise économique, de « surcrise » pourrait-on dire, n’est pas liée exclusivement à une seconde vague de contamination massive, mais peut également dépendre d’autres facteurs (ex. : défaut de paiement d’un État, troubles politiques ou sécuritaires au sein d’un pays clé, conflit armé dans une zone névralgique pour le transport maritime, catastrophe naturelle). Dans la mesure où il apparaît clair que le chômage de masse va augmenter à cause de la récession, et au vu de la longue phase contestataire qui a affecté l’économie nationale avant le Covid-19 (manifestations contre la loi Travail, Gilets Jaunes, contestation contre la réforme des retraites), il serait logique de s’attendre à ce que la crise sanitaire et maintenant économique se prolonge par un contexte politique et social troublé et conflictuel. La crise n’aura rien réglé, au contraire. Les entreprises opérant en France devront nécessairement prendre ce facteur en compte dans leurs plans.

Solidarité.

L’expérience, les réflexes et les mécanismes créés pour secourir la finance et l’économie réelle lors de la crise financière de 2008 se sont révélés précieux. Ils ont été réactivés dans un laps de temps très court, grâce au fait que de nombreuses personnes les ayant animés par le passé étaient toujours en poste actuellement. Ils ont également été complétés par la mise en place des facilités de chômage partiel et par les prêts garantis par l’État.

Cette solidarité entre la puissance publique et les entreprises a cependant franchi un nouveau palier dans la crise du Covid-19. Depuis le début de l’épidémie, les entreprises ont fait la preuve de leur utilité sociale et citoyenne auprès de leurs parties prenantes. Elles se sont engagées de manière inédite en première ligne face à la pandémie, en coopération avec les pouvoirs publics, voire parfois pour en pallier les manquements. L’affaire des masques l’illustre avec force. Là où les Gouvernements ont pu sembler hésitants et peu agiles, les entreprises, sollicitées sur tous les fronts, ont fait preuve tant de réactivité que de solidarité et de sincérité. Globalement, elles ont été des employeurs responsables pour leurs collaborateurs, des partenaires solidaires à l’égard de leurs fournisseurs et des acteurs-citoyens engagés dans la société. Si bien que c’est d’abord à elles, que les citoyens en France et dans le monde, font confiance pour faire face à cette crise, comme le montrent plusieurs enquêtes (cf Edelman Trust Barometer 2020). Cette confiance vient renforcer pour l’heure une perception globalement positive des entreprises par les Français (cf « A quoi servent les entreprises ? »).

Mais il y a plus. Car la solidarité exemplaire qui s’est déployée dans nombre d’entreprises envers leurs parties prenantes et entre les collaborateurs eux-mêmes a marqué les esprits. Le rapport à la maladie dans le cadre du travail a touché tout le monde. Et une majorité d’entre nous a pu se confronter à l’isolement ou à la distanciation sociale, l’incertitude ou l’inquiétude face à la maladie. Cette volonté de faire écosystème jusqu’au bout ne disparaitra sans doute pas dans les prochains mois.

L’urgence.

Sur le plan économique, l’action rapide de l’État a mis l’économie en suspens. Mais sur le plan sanitaire, la stratégie publique aura des conséquences pour la reprise en France, qui sera plus longue que beaucoup de pays comparables. La différence de dynamisme économique entre la France et l’Allemagne est frappante. Nombreux sont les dirigeants d’entreprise à l’avoir souligné dans la Quotidienne.  

Les entreprises se sont adaptées à l’épidémie et se préparent à la reprise progressive de leur activité, une relance qu’il faut provoquer en surmontant la pénurie de masques en France, en attendant qu’un vaccin soit distribué. En effet, outre les risques pour la stabilité financière de la France déjà évoqués, nombre d’entrepreneurs disposant d’une assise internationale rappellent que le monde ne nous attend pas. Il est probable que les acteurs économiques les plus performants, les investisseurs internationaux et les entreprises qui souhaitent investir dans de nouveaux outils de production vont poursuivre la translation de leurs centres de gravité vers les zones économiques les plus homogènes et les plus unies, telles que les États-Unis et la Chine.

La Chine, précisément, qui a « déjà redémarré » est occupée à « prendre des places » aux entreprises européennes, notamment françaises, et à disputer aux USA son leadership géopolitique et économique, notamment dans les secteurs industriels et technologiques.

Il y a donc urgence à tous points de vue à ranimer notre économie en sommeil, en réunissant les conditions de sécurité adéquates, et sans perdre l’acquis de solidarité qui a permis à la France de préserver son appareil économique. Cependant, à quoi pourrait ressembler l’économie française et ses entreprises dans l’après-crise ? Le tsunami du Covid-19, en se retirant, laissera-t-il émerger des formes d’entreprise nouvelles, des méthodes nouvelles, un travail réinventé ?

 

L’après sera sans doute l’accélération de l’avant plutôt que sa répudiation

 

À quelles tendances le développement, l’organisation, le management des entreprises obéiront-elles dans la suite de la décennie ? Bien qu’il faille lire tout ce qui suit au conditionnel, tant l’exercice de prospective est complexe, les lecteurs de « La Quotidienne » pourront observer que les acteurs des entreprises qui y partagent leurs récits et analyses ne répudient à aucun moment les stratégies, pratiques et objectifs qui étaient les leurs avant la crise du Covid-19. Cela est à nos yeux un signe clair que ce qui était en cours de déploiement avant mars 2020 sera toujours considéré comme pertinent, valable et nécessaire lors du retour de confinement. Nous devrions donc connaître un après qui ne sera pas en rupture avec l’avant, mais qui devrait en revanche en accélérer les tendances, en vertu du principe d’urgence que nous avons décrit précédemment.

La reprise de l’activité sera également celle des dynamiques post-RSE.

Tout ne changera donc pas avec cette crise, contrairement à ce qu’affirment nombre de commentateurs qui ne sont pas issus des entreprises. Si l’on entend par là des entreprises fonctionnant de manière totalement réinventée, le « monde d’après » est une invocation séduisante mais dangereuse. Au contraire, ce que démontre cette crise de manière spectaculaire, c’est qu’en matière économique nous avons besoin de continuité, de transitions progressives et non de ruptures brutales ou de révolutions. Les entreprises ont besoin de continuité dans leurs activités. Tous les appareils productifs, qu’ils délivrent des biens ou des services, et quoique de plus en plus modulaires grâce à la digitalisation, ont besoin d’une régularité. En matière industrielle, les chaînes de montage, les filières d’approvisionnement, les carnets de commande travaillent avec 12 à 18 mois d’avance sur les livraisons. Dans le domaine de la construction, des infrastructures et de l’immobilier, il en va de même. Les entreprises de service, elles aussi, vivent dans une constante anticipation de leurs ventes, pour ne pas risquer l’effet ciseau entre les coûts fixes et le chiffre d’affaires. Au-delà des entreprises en tant qu’organisations, les multiples parties prenantes qui s’y activent ont besoin de la continuité des revenus qu’elles en tirent. Loin d’être des abstractions, ces dernières sont en réalité des personnes, des familles, des collectivités. La création de richesses par les entreprises permet avant toute chose aux multiples parties prenantes de se nourrir, de se loger, de consommer, de faire des études, de payer leurs impôts, d’investir. La continuité de la création de richesse n’est pas optionnelle pour elles, pas plus qu’elle ne l’est pour les finances publiques qui ne peuvent prospérer éternellement sur la dette.

Les évolutions progressives dans les modes opératoires, les business models et l’adoption des innovations sont de fait préférables de loin aux ruptures agressives et généralisées. S’il est une tendance qu’il faut poursuivre, encourager et ne pas perturber, c’est celle initiée au sortir de la crise des subprimes en 2008, qui a conduit une grande majorité des entreprises sur la voie d’un immense effort de mise en cohérence des objectifs affichés et des pratiques réelles, et qui s’est matérialisé notamment au travers de l’essor de la Responsabilité Sociale et Environnementale des entreprises (RSE).

Cette tendance, entre 2018 et 2020, en était parvenue à un tel point qu’elle ne suffisait plus et que l’Institut de l’Entreprise avait mis en évidence le surgissement progressif d’une Entreprise post-RSE, autrement dit d’un modèle d’entreprise cherchant activement à concilier de manière plus native ses objectifs et exigences économiques avec les impératifs éthiques, techniques et méthodologiques découlant de sa raison d’être.

Il faut donc espérer, et c’est notre conviction, que l’immense choc créé par le Covid-19 n’interrompe pas cette aggiornamento des entreprises. La prétention de « repenser totalement » le monde économique et le fonctionnement des entreprises ne déboucheraient vraisemblablement pas sur de meilleurs objectifs ou sur une dynamique plus prometteuse que celle déjà à l’œuvre.

Une volonté claire d’aller jusqu’au bout et d’accélérer les mutations en cours.

S’il peut y avoir un changement suite à la crise du Covid-19, il devrait plutôt être lié à une accélération des tendances qui étaient déjà observées. Et cela, nous l’espérons. Pour les résumer rapidement, ces tendances sont celles que nous voyons apparaître très clairement et en accélération dans les témoignages et analyses de « La Quotidienne » :

  • Celle de la digitalisation des outils et des pratiques au service de l’humain et de la relation,
  • Celle du développement de stratégies de relocalisation et de processus de production écologiquement plus vertueux, vers une économie moins carbonée et davantage circulaire.
  • Celle de la volonté des entreprises d’investir à fond leurs divers niveaux d’utilité pour la société : la production de biens et service utiles et respectueux de notre planète, la production de richesse, la participation à l’éducation de toutes les générations, l’innovation technique et sociale, la générosité avec les plus fragiles et les plus démunis.
  • Celle de devoir représenter une force de pacification des mœurs et d’apporteur de solutions concrètes dans un monde de plus en plus divisé, dans lequel le multilatéralisme cède de nouveau la place à des logiques de bloc.

 

Le mot d’ordre définissant le « monde d’après » dans les entreprises à la sortie de cette crise ne sera pas « changeons tout dans les entreprises », mais « poursuivons les dynamiques que nous avions initiées de manière pertinente, car nous étions sur la bonne voie, et allons jusqu’au bout ».

Une crise qui a besoin des entreprises pour se résoudre.

Les « Paroles de Dirigeants », les « Histoires d’Entreprises en Action », les analyses de « Nation Apprenante », les « Lectures du Jour » : toutes ces rubriques illustrent l’effort magistral des entreprises dans la lutte contre le Covid-19, non seulement dans l’immédiat dans la solidarité citoyenne, mais encore dans une perspective plus longue, celle de redonner une chance au modèle socio-économique français en « provoquant la reprise » afin d’alimenter la prospérité générale.

Confrontées à un contexte d’incertitudes importantes et durables, il apparaît essentiel pour les acteurs économiques d’accepter certains risques car chaque jour qui passe accroit le nombre d’emplois qui seront détruits dans la récession. Pour autant, les travailleurs actuellement en confinement auront besoin de bénéficier d’une protection optimale. La pénurie de masques doit être résolue au plus tôt.

La peur du déconfinement illustre en fin de compte ce sur quoi est basée L’Économie : la confiance. Dans cette crise, les entreprises ont su donner confiance à leurs salariés, clients, actionnaires, partenaires d’affaires, pouvoirs publics. Elles ont su s’organiser de manière autonome pour inciter les plus systémiques d’entre elles à continuer de régler leurs fournisseurs. Elles étaient mieux préparées que nombre d’États, à commencer par la France. Contrairement à d’autres situation du passé, le Covid-19 n’est pas une crise de l’entreprise, mais une crise qui a besoin des entreprises pour se résoudre. Gageons que la confiance que les entreprises ont su générer par leur réaction ne sera pas perdue, et qu’elle sera un capital pour réussir la reprise.

 

Paul Allibert, Directeur Général de l'Institut de l'Entreprise

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