Alors que des économistes affirment que la crise du coronavirus va nous obliger à accélérer les mutations économiques et sociétales, l'essayiste américain qui conseille l'Union Européenne et des chefs d'État, affirme dans son dernier ouvrage Le New Deal Vert Mondial que « l'effondrement de la civilisation industrielle fondée sur les combustibles fossiles est imminent ». Il décrit comment la nouvelle révolution énergétique basée sur le solaire, l'éolien et le numérique va métamorphoser les entreprises et notre manière de vivre.

« Nous avons besoin d’une vision économique nommée New Deal Vert pour l’Amérique et le monde », affirme Jeremy Rifkin dans les premières lignes de son dernier livre Le New Deal Vert Mondial.

L’économiste américain qui conseille des régions dont les Hauts-de-France et des gouvernements dont les dirigeants chinois, prédit la fin de la civilisation fossile d’ici à 2028 et l’avènement de la troisième révolution industrielle née de la rencontre de l’Internet intelligent et des énergies renouvelables. Cette transformation a déjà commencé, constate le prospectiviste. Les études montrent que « l’effondrement de la civilisation industrielle fondée sur les combustibles fossiles est imminent. Il pourrait se produire entre 2023 et 2030 puisque ce sont des secteurs essentiels qui se séparent de ces combustibles et qui reposent de plus en plus sur des énergies moins onéreuses, solaires, éoliennes et autres énergies renouvelables et sur les technologies zéro carbone qui les accompagnent ». 

La transition énergétique n’est pas un renoncement au progrès comme le répètent certains mouvements écologistes. Elle est au contraire rendue possible par les dernières innovations technologiques et l’inventivité des entreprises et des hommes. « La communication Internet numérique converge avec l’énergie Internet numérique renouvelable alimentée par une électricité d’origine solaire et éolienne et l’Internet de mobilité et de logistique numérique, composé de véhicules autonomes électriques équipés d’une pile à combustible, alimentés par une énergie verte, outre une plate-forme IdO (Internet des Objets) présente dans le parc immobilier commercial, résidentiel et industriel ». 

Sa mise en place n’est pas rendue possible grâce à une politique qui a fait ses preuves dans les années 30 contrairement à ce que peut laisser croire l’expression « New Deal Vert ». « Nous sommes à mille lieues du New Deal de Roosevelt qui a vu le gouvernement fédéral construire et superviser de gigantesques barrages pour produire et distribuer de l’électricité bon marché dans toute l’Amérique. Le New Deal Vert est centré sur des énergies renouvelables exploitées localement et gérées par des infrastructures régionales connectées entre elles au-delà des frontières, telles que le Wi-Fi. Au XXIème siècle, chaque État, chaque ville, chaque comté des États-Unis, ainsi que chaque localité dans le monde, peut espérer produire assez d’électricité pour être autosuffisant et résilient. Le soleil brille partout et le vent souffle partout ». Ce saut technologique est poussé par la prise de conscience d’un nombre grandissant de citoyens, de responsables politiques et de dirigeants. 

Les jeunes ont pris fait et cause contre le réchauffement climatique. « Le 15 mars 2019, plus d’un million d’étudiants de la génération Z ont rejoint les rangs de leurs aînés de la génération Y, et sont sortis de leurs campus pour descendre dans la rue et imposer une grève exceptionnelle d’une journée : on a vu plus de 2000 manifestations dans 128 pays pour protester contre l’inaction de nos gouvernements et exiger que l’on bascule vers une ère postcarbone verte ». Des chefs d’État, les PDG des plus grandes entreprises mondiales qui se réunissent à Davos, des maires sont conscients des enjeux. 

Balayant un lieu commun selon lequel la finance est l’ennemi de la planète, Jeremy Rifkin démontre que ce mouvement de « destruction créatrice » selon l’économiste Joseph Schumpeter (1883-1950), est au contraire souhaité par les marchés. « Beaucoup d’investisseurs institutionnels liés aux fonds de pension ont commencé à retirer de l’argent des énergies fossiles pour investir dans les énergies renouvelables, créant ce qui est en train de devenir la plus grande campagne désinvestir/investir de l’histoire du capitalisme ». L’auteur de best-sellers qui a été très critique vis-à-vis du capitalisme, écrit « que pour une fois, la disruption est telle que le marché fait figure d’ange gardien de l’humanité ». 

Multipliant les exemples notamment sur les initiatives prises aux États-Unis, Jeremy Rifkin souligne que les plus grandes institutions financières ont tiré la sonnette d’alarme et s’engagent en faveur de la troisième révolution industrielle dont la mise en place demande du temps. « L’infrastructure de la première révolution industrielle a été déployée aux États-Unis en trente ans, de 1860 à 1890. Celle de la deuxième révolution industrielle en vingt cinq ans, de 1908 à 1933, soit cinq années de moins, cela est dû au fait que la deuxième révolution industrielle a bénéficié de celle de la première. Il est donc logique de se dire que la troisième révolution industrielle peut être mise en place en vingt ans - une génération - à partir de deux infrastructures existantes qui faciliteront la transition ». 

Mais « la main invisible du marché ne suffira pas ». Les États ont un rôle essentiel à jouer. Ils doivent investir dans les nouvelles infrastructures, fixer le cadre réglementaire, créer des banques vertes, émettre des obligations vertes, mettre en place des incitations pour permettre aux régions de réussir leur transition écologique. 

Cette disruption technologique peut être une chance pour l’Europe en lui permettant de s’imposer face aux États-Unis et peut-être de faire jeu égal avec la Chine qui a tous les atouts pour jouer les premiers rôles. « La Chine s’éloigne progressivement de la vision géopolitique qui déterminait les liens entre les nations à l’ère de la première révolution industrielle et de la deuxième révolution industrielle, aux XIXème et XXème siècles, pour adopter la vision de la biosphère propre au XXIème siècle, qui signale l’aube de l’âge écologique ». 

À contrario, la patrie de Donald Trump, qui a fait la course en tête lors de la première et la deuxième révolution industrielle, est en retard. Le pays des Gafa n’a pas les infrastructures de qualité et n’investit pas assez pour rattraper son handicap. Il n’est « qu’au dix-neuvième rang mondial pour les connexions internet haut débit… Quant à la formation d’un réseau internet digital d’énergie renouvelable et d’un réseau internet autonome de mobilité, les États-Unis ne sont même pas présents autour de la table ». 

La raison ? L’absence d’un partenariat solide entre le gouvernement, le monde des affaires et la société civile qui a permis de réussir la première révolution industrielle au XIXème siècle et la deuxième révolution industrielle au XXème siècle et de changer la vie des Américains. 

La nouvelle révolution énergétique va métamorphoser l’économie, les entreprises et la société. « Dans cette économie verte numérique, le coût marginal de certains biens et services sera proche de zéro, ce qui obligera à un changement radical du système capitaliste ». La troisième révolution industrielle pour laquelle milite Jeremy Rifkin ne sera pas seulement une nouvelle manière de produire et de consommer. Elle ouvre une nouvelle ère de l’histoire de l’humanité. « Nous devons apprendre à vivre avec les richesses de la Terre plutôt que de les exploiter, à renoncer à la domination pour adopter une gestion économe, à abandonner notre anthropocentrisme au profit d’une participation active et consciente au vivant. Le respect de la biosphère passe par un bouleversement de nos repères spatio-temporels ». 

Alors que le réchauffement climatique échappe aux experts et aux scientifiques pour devenir un enjeu sociétal et passionnel qui déchaîne des oppositions irrationnelles, que la bataille du climat est devenue une nouvelle manière d’accuser le capitalisme et la mondialisation de tous les maux, Jeremy Rifkin plaide pour une approche raisonnée et rationnelle de la transition énergétique. Même si l’auteur se livre à des prophéties quand il affirme que « la race humaine a un calendrier serré pour réorienter radicalement la civilisation », ce livre a l’immense mérite d’expliquer comment les marchés, la technologie et la volonté politique peuvent apporter des solutions à l’un des plus grands défis des prochaines années. 

Yann Le Galès

Les marchés s’engagent en faveur de la transition énergétique. 

« Sans surprise, un mouvement mondial plaidant pour que l’on désinvestisse de l’industrie pétrolière et que l’on réinvestisse dans les énergies renouvelables est né et gagne rapidement en force. Le joker, ce sont peut-être les plus de 35,5 milliards d’euros investis dans les fonds de pension mondiaux, dont 22,5 sont entre les mains de la population active américaine. Les fonds de pension sont la plus grande source de capitaux mondiale depuis début 2018. S’ils sont toujours investis dans l’industrie des combustibles fossiles, les pertes financières de millions de travailleurs américains seront incalculables le jour où la bulle carbone explosera ». 

Retrouver une biographie de Jeremy Rifkin : ICI

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