Benoît Bonello, Directeur de l’innovation sociale chez SUEZ

Anne-Leïla Batel, Directrice générale de PULSE

Comment est née #LaSaisonCirculaire, votre programme commun d’accompagnement de porteurs de projets d’économie circulaire ? 

Anne-Leïla Batel (ALB) : Conçu en 2020, #LaSaisonCirculaire est un programme d’accompagnement à destination de porteurs de projets de l’économie circulaire. Le programme, qui se déroule sur 6 mois, est hébergé dans notre incubateur à Montreuil (93) et soutient une dizaine de structures entrepreneuriales. Le choix de mettre en lumière l’économie circulaire s’est opéré pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que le constat que l’on porte c’est que plus on concentre nos programmes sur un secteur spécifique, plus notre accompagnement est pertinent, et différenciant, dans l’environnement très riche qu’est l’Ile-de-France. Ensuite, parce qu’il nous a paru essentiel de travailler sur un enjeu lié au territoire dans lequel nous sommes implantés et l’économie circulaire constitue un des défis principaux de la Seine-Saint-Denis, au regard notamment du Grand Paris et l’arrivée des Jeux Olympiques. Pour la nouvelle édition de #LaSaisonCirculaire, nous avons souhaité renforcer notre dispositif d’accompagnement avec plus de formations, en augmentant en volume les projets accompagnés, en développant un volet d’inspiration à destination du grand public au travers d’événements et en invitant un nouveau partenaire, SUEZ, à co-porter ce programme.

Benoît Bonello (BB) : Côté SUEZ, nous sommes conscients que pour répondre à de grands enjeux de société comme l’emploi ou la transition écologique, les solutions de SUEZ seules ne suffisent pas. Pour cela, nous devons travailler en alliance avec d’autres acteurs et notamment avec les entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire (ESS). Nous sommes convaincus que nous avons une vraie complémentarité à développer avec les acteurs de l’ESS sur une multitude de sujets comme par exemple le ré-emploi, la lutte contre le gaspillage alimentaire, la sensibilisation, l’agriculture urbaine, la logistique du dernier kilomètre... Nous le faisons via des partenariats opérationnels avec des structures de l’ESS existantes, mais aussi en incubant des entrepreneurs sociaux. Ainsi depuis plus de 3 ans, SUEZ porte des programmes d’accompagnement d’entrepreneurs de l’économie circulaire. Chaque année, ce sont plus de 100 entrepreneurs qui sont accompagnés par l’équipe entrepreneuriat de la Direction de l’innovation sociale de SUEZ dans ses incubateurs « Maisons pour Rebondir » en Ile de France et en Gironde.

Nous pensons que cela fait partie du rôle de SUEZ de faire émerger des solutions d’économie circulaire sur les territoires.  Mais si nous voulons aller plus loin et changer d’échelle, nous devons concentrer nos efforts sur ce en quoi nous sommes le plus légitime et le plus efficace : l’apport d’expertise en matière d’économie circulaire, le mécénat de compétences avec nos salariés, et les mises en situation avec les problématiques concrètes que rencontrent les territoires dans lesquels nous opérons. C’est ce que permet le partenariat avec PULSE. Nous ne sommes pas juste dans une logique de sponsoring mais dans le co-portage et la co-production de ce programme, en lien avec notre cœur de métier. Nous avons une vraie complémentarité dans nos expertises et la volonté de développer l’économie circulaire en Seine Saint-Denis, territoire dans lequel opèrent plusieurs filiales de SUEZ.

Quel a été l’élément déclencheur de ce partenariat ?

BB : Nous sommes investis dans l’économie sociale et solidaire car nous croyons à la complémentarité opérationnelle avec les entrepreneurs sociaux. Nous pensons que collaborer avec l’ESS nous permet de proposer une offre de service augmentée et différenciante à nos clients et de créer de nouveaux modèles à fort impact social et environnemental.  Nous avons croisé le chemin de PULSE dans le cadre de cette réflexion et de notre volonté de changer d’échelle sur l’émergence de solutions d’économie circulaire sur les territoires où nous opérons. Et nous avons rapidement vu qu’il y avait un « match » et une réelle complémentarité entre nos équipes et nos enjeux !

ALB : Le constat est que pour créer les conditions de réussite des projets que nous accompagnons, nous ne pouvons pas le faire seuls, notamment sur les sujets de l’économie circulaire. Nous avons très rapidement pensé à nous associer à SUEZ. La philosophie de l’entreprise et sa volonté de converger avec le monde de l’Economie sociale et solidaire nous a définitivement convaincus qu’il fallait que nous collaborions !

La direction de l’Innovation sociale de SUEZ est-elle la seule entité du Groupe à travailler avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire ou est-ce que d’autres business units initient ce type de collaboration ?  

BB : A la direction de l’innovation sociale, nous sommes souvent le point d’entrée mais ces partenariats existent depuis longtemps, en particulier avec le monde de l’insertion. Dans ses activités de tri des déchets par exemple, SUEZ travaille avec les acteurs majeurs de l’insertion comme ARES ou Vitamine T depuis près de 25 ans. SUEZ est d’ailleurs un actionnaire minoritaire de certains de ses partenaires d’insertion comme le Groupe ID’EES ou le Groupe Demain. Nous avons également une filiale d’insertion, Rebond Insertion, qui emploie chaque année plus de 500 salariés en insertion dans les activités de tri, de collecte de déchets ou de propreté urbaine. Le rôle de notre direction est d’accélérer ces partenariats et plus généralement le développement de nouveaux services environnementaux avec les entrepreneurs de l’ESS en identifiant les opportunités et en les connectant avec les business units. Ensuite elles n’ont plus besoin de nous !

Quels sont les bénéfices de ce type de partenariat pour les entrepreneurs concernés ?

ALB : Globalement l’impact recherché est double : la création de solutions innovantes et pérennes en lien avec l’économie circulaire et la création d’emploi via le renforcement de la filière. Voilà pour la finalité. Concernant les moyens notre rôle chez PULSE est de fournir aux entrepreneurs les conditions de réussite de ces projets. Le champ de ces conditions est vaste : il peut s’agir de l’accès à l’expertise sectorielle, un accès à un réseau puis le déploiement du projet et bien sûr, sa mise en lumière. Grâce à notre partenariat avec SUEZ, nous allons considérablement renforcer l’expertise métier au profit des entrepreneurs accompagnés. Notre objectif est aussi de travailler sur l’ensemble des pans de l’économie circulaire en aidant les entrepreneurs à développer des projets en lien avec les autres piliers de l’ADEME, en soutenant des projets qui agissent sur les comportements des consommateurs comme des actions de sensibilisation.

Concrètement, comment se passe un programme d’accompagnement ? 

ALB : Le programme se compose de plusieurs briques comprenant un suivi individuel par un chargé d’accompagnement, des formations collectives, du mentorat et du mécénat de compétences, des accès à des réseaux de partenaires – commerciaux et financiers notamment –, l’accès à notre espace de co-working à Montreuil pour créer l’émulation et une synergie entre les entrepreneurs et également des rencontres inspirantes.

BB : Ce qu’il y a d’intéressant, c’est en effet le lieu qui permet de rassembler physiquement les entrepreneurs, mais aussi l’alternance entre des suivis individuels et des moments collectifs de formation. Le collectif permet de créer un esprit de promotion, de l’entraide entre les entrepreneurs, qui leur permet d’avancer et d’être plus résilients. Les coachings individualisés par SUEZ et PULSE, c’est également très important car cela permet d’aider chaque projet sur ses besoins spécifiques. 

Avez-vous rencontré des obstacles ou des freins dans cette collaboration ?

ALB : Le frein classique auquel on pense quand il s’agit de collaborer avec un grand groupe c’est l’inertie, la lenteur des processus. De ce point de vue-là SUEZ a été un contre-exemple, et a su déconstruire ces idées reçues en montrant que nous pouvions avancer très vite.

BB : Nous n’avons pas eu de grosses difficultés à ce stade, nos équipes travaillent ensemble depuis 5 mois et la collaboration fonctionne bien, il y a de l’envie des deux côtés et la répartition des tâches se fait naturellement.  Une fois validé l’impact positif du projet, le vrai challenge sera d’imaginer comment rendre le modèle pérenne et le dupliquer ! Il faudra continuer à imaginer des financements hydrides pour y arriver. 

ALB : L’étape d’après pour PULSE est de trouver des voies de pérennisation pour continuer à faire émerger des dispositifs comme #LaSaisonCirculaire. C’est fabuleux qu’un groupe comme SUEZ nous soutienne dans cette phase de montée en puissance du dispositif et nous donne l’occasion de faire la démonstration de ce modèle d’innovation. Dans un second temps, l’idéal serait que d’autres acteurs plus traditionnels prennent le relai afin que ce programme s’installe à moyen-terme et dans une logique territoriale.

Apporter des preuves que ce type de collaboration fonctionne, n’est-ce pas là le plus grand défi ? Quels objectifs vous fixez-vous ?

ALB : En ce qui concerne les porteurs de projets, nous serons évidemment très contents si nous avons de nouveaux Lemon Tri ou Phenix qui sont des alumni de nos programmes à Montreuil. Le nombre de projets innovants qui verront le jour et se pérenniseront est l’un de nos principaux critères de réussite. Nous sommes aussi observés à l’échelle « méta » partenariale pour comprendre comment il possible de co-construire un programme et mutualiser nos bibliothèques de savoir que sont l’économie circulaire et l’entrepreneuriat social. Nous avons encore beaucoup de choses à apprendre les uns des autres. Si nous arrivons à bien organiser cette interface et que nous arrivons à donner l’envie à d’autres de faire comme nous, l’objectif sera rempli !

BB : Le premier objectif est que les entrepreneurs s’y retrouvent et que le programme leur permette de booster leurs projets. Habituellement, nous accompagnons des promotions de 15 entrepreneurs et nous attendons que au moins 10 d’entre eux réussissent et participent à la création d’emploi, car c’est aussi le but derrière la création d’entreprise. Nous voulons également valider un modèle de co-construction avec un acteur de l’économie sociale et solidaire tel que PULSE pour démontrer que nous pouvons co-porter un programme d’accompagnement, le développer pour le dupliquer ailleurs. Enfin, nous comptons sur l’implication efficace de nos salariés en mécénat de compétences. On est d’ailleurs en train de mettre en place avec la start up Vendredi, une plateforme pour faciliter le l’implication de nos collaborateurs sur des missions ciblées.

Nous avons beaucoup parlé d’ancrage territorial. Quels sont vos liens avec les collectivités ?

BB : En tant qu’acteur de la gestion de l’eau et des déchets, les collectivités font partie de nos clients. Avec un programme comme #LaSaisonCirculaire nous souhaitons renforcer la valeur ajoutée que l’on apporte à nos clients. S’il y a des besoins identifiés dans les territoires clients de SUEZ, nous allons amener les entrepreneurs à réfléchir dans une logique d’open innovation. Nous souhaitons, dans le cadre d’appels à projets publics, amener une logique d’innovation à travers ce type de programmes afin de contribuer à un ancrage territorial plus important. Idéalement, nous aimerions être trois à la table demain pour co-construire la transition écologique des territoires : la collectivité, l’entreprise et les incubateurs. 

ALB : Il s’agit d’un point de vue que nous partageons pleinement chez PULSE. Il faut suivre cette logique d’open innovation et que tous ceux qui le souhaitent n’hésitent pas à nous contacter pour rejoindre à l’aventure !

Avez-vous des exemples d’entreprises « pépites » nées de ces programmes d’incubation ?  

BB : Je peux vous citer l’exemple d’Expliceat, porté par un entrepreneur qui fait du recyclage de baguettes de pain. Il installe des crumblers (robots) dans des boulangeries pour qu’à la fin de la journée, les boulanger récupèrent les baguettes invendues pour les transformer en une farine qui peut ensuite être réutilisée dans de nouvelles recettes. Cette entreprise a également une activité de traiteur.

ALB : Je vais prendre l’exemple de Phenix qui propose des solutions pour lutter contre le gaspillage alimentaire et valoriser les invendus. Cette startup est passée par un de nos programmes et continue de se développer à destination des particuliers et des structures privées.

Quels sont les prochains temps forts du partenariat ?

ALB : L’appel à candidatures a été lancé mi-avril et se termine le 4 juin. Ensuite, un jury de sélection se tiendra le 21 juin et le programme débutera le 4 juillet pour se terminer six mois plus tard, en décembre prochain. Nous pourrons tirer, début 2022 les conclusions de ce programme, du partenariat et réfléchir à de nouvelles collaborations.

SUEZ est un groupe français de gestion de l’eau et des déchets, premier fournisseur privé d’eau dans le monde. Convaincu que les grands défis que constituent le développement de l’emploi et la transition environnementale exigent une collaboration plus efficace entre acteurs publics, privés et associatifs, le Groupe a, depuis 2019, créé une Direction de l’Innovation Sociale au sein de la Direction des Ressources Humaines, dont la mission est de permettre à SUEZ en France de proposer des solutions d’économie circulaire inclusives et bas carbone. Dans ce cadre, SUEZ développe des collaborations avec les acteurs de l’insertion, de l’emploi et de l’économie sociale et solidaire.

Créée en 2006, PULSE est une association dont la mission est de soutenir l'entrepreneuriat comme levier d’un développement inclusif et durable. PULSE s’est fondée avec une conviction : chacun peut devenir acteur du changement, dès lors qu’il ou elle en a les moyens.  Aujourd’hui active dans 18 pays au travers d'une vingtaine de programmes d'accompagnement et de sensibilisation et de 5 lieux d’incubation (Bidaya – Casablanca, Lab’ess – Tunis, Le Comptoir - Montreuil et Oribi – Le Cap – JogJëf – Zinguinchor/Sénégal), PULSE accompagne plus de 550 porteurs de projets chaque année. PULSE est une structure de GROUPE SOS Action Internationale, l'un des neuf secteurs du GROUPE SOS.