Bei Xu, Économiste spécialiste de la zone Asie à la Société Générale s'interroge sur la trajectoire de l'économie chinoise : pourra-t-elle poursuivre son ascension, et accroître son poids sur le plan international ? Les choix des autorités chinoises en matière de relance donneront la réponse à cette question.

La Chine a connu, au premier semestre 2020, une chute historique de son PIB. Jamais, depuis la grande réforme d’ouverture il y a quarante ans, le pays n’avait connu une contraction de son PIB. Preuve s’il en est que la deuxième économie mondiale est actuellement lourdement affaiblie par la crise sanitaire du Covid-19.

La chute du PIB au premier trimestre 2020 en Chine est inédite. Elle marque un recul de la création de valeur ajoutée de 6,8% par rapport au premier trimestre 2019. Depuis la grande réforme d’ouverture il y a quarante ans, l’économie chinoise n’a jamais connu une contraction du PIB.

La deuxième économie mondiale (comportant cependant des dettes et d’autres déséquilibres structurels) est actuellement lourdement affaiblie par la crise sanitaire du Covid-19 dont l’ampleur reste indéterminée. La question se pose de savoir si l’économie chinoise pourrait continuer de croître et ainsi poursuivre son ascension sur le plan international ?

D’après les nouvelles prévisions du FMI, la Chine atteindrait une croissance positive à 1.2% en 2020, soit une longueur d’avance par rapport aux -7,5% de la zone euro, -5,9% des États-Unis et aux -3% au niveau mondial. Cela voudrait dire que la part de la Chine dans le PIB mondial progresserait de 0.7 points pour arriver à 17% ; a contrario, celle des États-Unis céderait de 0.7 point pour atteindre 24% de 2019 en 2020 à prix inchangés. Si la Chine semble en sortir plutôt gagnante, ces prévisions ne disent (encore à ce stade) rien sur le devenir de la croissance potentielle en période post-Covid-19.

Cette question plus cruciale trouvera sa réponse dans la façon dont les autorités chinoises relancent l’économie.

Si les autorités chinoises veillent à limiter les effets néfastes d’un tel stimulus, il y a des chances que l’économie se retrouve sur un sentier de croissance plus soutenable même si un peu plus faible. En effet, avant le Covid-19, trois facteurs contribuaient déjà à ce que la croissance chinoise devienne plus saine. Primo, la transition du modèle de croissance s’opérait en faveur de la consommation qui a enregistré une contribution à la croissance plus élevée que l’investissement depuis 2016. Secondo, côté offre, le secteur non public poursuivait son expansion. Dans le secteur industriel, le nombre d’entreprises privées ne cessait d’augmenter depuis 2016 et parmi ces entreprises, seules 13,6% ont réalisé des pertes contre 24% d’entreprises publiques en 2019. Enfin, le processus du désendettement a eu avec comme premier résultat une amélioration de la stabilité financière et une réduction du rôle de financement du shadow banking [1]. L’encours de prêts du shadow banking a commencé à diminuer dès janvier 2018 alors qu’au dernier trimestre 2016, ses nouveaux prêts représentaient encore 24% du financement de l’économie. Si les mesures de relance ne vont pas à l’encontre de ces trois facteurs, ces derniers rendront l’économie plus solide et la croissance plus pérenne.

En revanche, si les anciennes recettes de stimulus sont employées, comme il est très tentant en raison de leur facilité de mise en œuvre, les déséquilibres structurels seront alors accentués et ils endommageront la capacité de l’appareil économique et réduiront sa capacité à réaliser des gains de productivité dans le futur. Rappelons qu’au lendemain de la faillite Lehman [2], a été mis en place très rapidement un plan stimulus de 14% du PIB accompagné d’un assouplissement agressif de conditions monétaires. Cela était d’ailleurs à l’origine de la rapide hausse de l’endettement de l’économie, qui est passé de 150% d’avant la grande crise financière à 200% du PIB en 2012. Actuellement, sous l’impact de cycles ultérieurs de relance similaire, il est proche de 260% du PIB, avec 160% dû aux entreprises. En plus de la hausse de l’endettement, ces mesures de soutien basées sur l’investissement étaient défavorables à la consommation et elles ont privilégié le secteur public au détriment du secteur privé. Les trois facteurs nécessaires à une croissance plus saine y étaient absents.

Aujourd’hui, à en juger par les mesures déjà mise en oeuvre et annoncées, il ne semble pas que la Chine ait envie de répéter l’erreur du passé. L’assouplissement monétaire est gradué et surtout ciblé. Il vise surtout à apporter du financement aux entreprises de petite et moyenne taille, quasiment toutes privées. Quant aux efforts budgétaires, allant des réductions de charges et d’impôts au programme d’émission des obligations spéciales permettant de financer les projets d’infrastructure, ils représentent pour l’instant à peine 3 points de pourcentage du PIB. Des gestes bien plus timides comparés aux plans de soutien fiscal des pays occidentaux, dont certains sont même proches de 10 points de pourcentage du PIB.

Il reste alors à suivre les mesures de soutien à l’économie, qui sont appelées à être renforcées dans un contexte de décroissance mondiale. Selon la communication des autorités chinoises, le gouvernement central pourrait notamment émettre des obligations spéciales (un outil rarement utilisé) et les gouvernements locaux verront leur quota d’émission augmenter. Les détails tardent à se dévoiler, une réponse définitive sur le devenir de l’économie chinoise à moyen et long terme le demeure aussi.

Bei Xu, Économiste spécialiste de la zone Asie à la Société Générale


[1] Le shadow banking, littéralement « banque de l’ombre », ou système bancaire « parallèle », désigne des entités ou des activités qui participent au financement de l’économie, mais agissent en dehors du système bancaire traditionnel.

[2] Faillite de Lehmann Brothers : https://www.melchior.fr/actualite/la-crise-financiere-10-ans

Source : Melchior

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