Après l’annonce du confinement, SOCOTEC - groupe spécialisé dans la gestion des risques, la conformité et l’intégrité des actifs dans la construction - a été confronté à l’arrêt brutal et immédiat de 90% des chantiers en France. Si le groupe a vu son activité drastiquement ralentir en France, il a poursuivi l'accompagnement de ses clients sur leurs missions essentielles au pays tout d’abord, notamment sur des usines de traitement de l’eau ou de déchets, sur des centrales nucléaires et en matière de conversion de sites de bailleurs sociaux en hébergements d’urgence pour sans-abris, ou sur des constructions temporaires d’hôpitaux de campagne. SOCOTEC a dès le début de la crise mis en place des procédures sanitaires strictes pour garantir la sécurité de ses collaborateurs mobilisés sur ces chantiers essentiels et préserver celle des intervenants côté clients. Pour ses nombreux salariés privés d’activité, le groupe a recouru à des mesures d’activité partielle, de prise de congés, et des missions complémentaires de formation ont été mises en place. La publication le 2 avril dernier du guide de l’OPPBTP (Organisme Professionnel de la filière), posant les conditions de la reprise dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, a permis d’envoyer un signal fort à toute la filière pour engager la réouverture des chantiers en toute sécurité. SOCOTEC a dès lors pu engager un vaste travail auprès de ses clients pour s’assurer que tous les chantiers mis brutalement à l’arrêt puissent redémarrer dans le respect des consignes édictées. Le Groupe s’appuyant sur le guide, propose ainsi de nommer sur chaque chantier des « référents MOA Covid », une nouvelle fonction essentielle complémentaire à celle du CSPS, pour la reprise d’activité que le Groupe SOCOTEC avait anticipé et préparé, et dont la mission est de veiller à ce que les mesures sanitaires soient respectées sur les différents sites.

 

Date de publication : 14/04/2020

Enquête réalisée auprès de Franck Pettex-Sorgue, Directeur Général Construction et Immobilier SOCOTEC France et Patrice Chauvin, Directeur du développement Prévention et SPS, SOCOTEC France

 

Une activité marquée par un arrêt brutal des chantiers en France

Le Groupe SOCOTEC accompagne des clients de tous secteurs d’activité confondus, qui ont en commun de construire des nouveaux actifs immobiliers ou d’en assurer la gestion ou l’exploitation. Il évalue, en tant que tierce partie indépendante, la conformité des sites en matière de santé et sécurité des travailleurs et la conformité du bâti (chantiers, infrastructures…), en s’assurant que les risques sont maîtrisés. Il offre pour cela une assistance, un contrôle technique et une coordination par des CSPS [1] sur des constructions neuves comme sur du stock construit. Environ 70% de son activité en France dépend ainsi de la vie des chantiers.

« Quand la crise est arrivée, la première réponse était de mettre en sécurité et prévenir le risque sanitaire pour nos collaborateurs. Puis nous avons accompagné nos clients, tout en étant solidaires avec notre filière et contribué à des travaux prévoyant le redémarrage de l’activité ».

En France, 90% des chantiers ont été arrêtés : « Cela a été d’abord la conséquence d’une peur de tous les acteurs, d’une sorte de sidération ». Ce chiffre recouvre des réalités géographiques différentes « avec 5% d’activité dans certaines régions et 25% dans d’autres. Les chantiers de Strasbourg ont été parmi les premiers à fermer. Ceux de Nice, Nantes ou Bordeaux sont moins impactés ».

Or ces fermetures se sont parfois faites dans la précipitation : « Beaucoup d’entreprises ont décidé de fermer brutalement leurs chantiers, parfois laissés tels quels : personne n’avait pensé à les fermer, des charges restaient non sécurisées, tout comme des grues… Cela peut générer des risques supplémentaires. On n’arrête pas un chantier brutalement, il faut le mettre en sécurité ». Aussi le Groupe SOCOTEC a-t-il accompagné ses clients, en réunissant maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre, pour mettre différents chantiers en sécurité.

Le Groupe accompagne par ailleurs des clients sur des sujets stratégiques et des missions essentielles : ses interventions ont ainsi été maintenues, sans interruption, sur des sites Seveso, sur des usines de traitement de l’eau ou de déchets, ou encore sur des centrales nucléaires, qui doivent continuer à fournir de l’électricité et où l’activité n’a que très peu diminué. Le Groupe a également accompagné la reconversion de sites de bailleurs sociaux en hébergements d’urgence pour sans-abris, rendue plus essentielle encore face à la crise actuelle. « Il a fallu aller vite avec ces clients ». Le Groupe continue également à travailler sur le dossier des JO 2024, qui continue à avancer à un rythme soutenu (« au moins une réunion par jour »), ou encore avec des grands noms de la Logistique et de la Grande Distribution dont l’activité n’a pas été interrompue.

De grands chantiers emblématiques comme la construction du tunnel Lyon-Turin ont, pour leur part, vu leur voilure considérablement réduite : « seuls les petits travaux permettant de maintenir la sécurité du chantier ont été menés ».

Pour son personnel privé d’activité, le Groupe a eu recours à des mesures d’activité partielle, de prise de congés et RTT face au ralentissement sévère ressenti en France dans le secteur de la Construction et des Infrastructures. Des missions complémentaires de formation ont été mises en place pour permettre aux collaborateurs de continuer à se former à distance sur des modules au cœur de leur métier (construction bois, béton bas carbone, diagnostic amiante, etc.).

 

Un redémarrage amorcé par la définition d’un cadre à la reprise d’activité dans le bâtiment

« Au départ, nous avons fait avec ce qu’on avait : nous n’avions d’autres instructions que les règles dictées par l’OMS ». Le Groupe SOCOTEC, en application des mesures dites « barrières », a favorisé, dans le cadre de l’exercice de ses missions SPS, la prévention des risques de propagation par l’application des règles de distanciation sociale suffisante, y compris dans les cantonnements et bases vie où les personnels se changent, se lavent, se restaurent : « dans les zones de vie nous avons prévu une grande table avec une chaise sur deux assurant une distance d’un mètre entre chaque compagnon. Il faut que seul un vestiaire sur trois soit pris : les portes faisant 80 à 100 cm de large, une seule personne doit entrer et ne croiser personne dans les couloirs ». Il a également été institué une prise de température à l’entrée des chantiers et le port de masque pour les postes ne pouvant par essence pas assurer une distance de sécurité d’un mètre entre les collaborateurs. « Nous n’avons gardé que quelques masques chirurgicaux, seuls conseillés pour la profession, et avons donné les autres au personnel soignant dans les régions, ils en avaient plus besoin ».

Chaque entreprise doit faire un « auto-contrôle » de son personnel pour s’assurer qu’aucun ne soit malade et ainsi réduire les risques de contagion. Via un PGC [2] validé par le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre, les CSPS s’assurent également que toutes les mesures administratives sont respectées.

Le CSPS, quant à lui, décrit dans son PGCSPS les mesures d’organisation définies en lien avec le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre et vérifie lors de ses visites que ces mesures sont bien mises en œuvre et respectées par les entreprises.

En cas de non-respect de ces mesures (comme de l’ensemble des mesures de sécurité et de protection de la santé), le CSPS, en tant que tierce partie indépendante, remet un rapport au maître d’ouvrage qui seul décide de la mise en conformité ou de l’arrêt éventuel du chantier.

« La reprise prendra du temps, car beaucoup de chantiers ont été arrêtés sans nécessairement être mis en sécurité et sans mesures de préservation des ouvrages. Cela complexifie leur réouverture ».

Les conditions de réouverture des chantiers ont mis du temps à être précisées, les échanges étant parfois tendus entre le ministère du Travail et la Fédération Française du Bâtiment, qui ont finalement missionné l’OPPBTP [3] pour créer un guide traçant les conditions de la reprise. « La publication de ce guide a donné un signal à toute la filière pour engager la réouverture des chantiers ». Le Groupe s’appuie désormais sur ce guide, publié le 2 avril dernier : « nos CSPS en première ligne, c’est un travail colossal de s’assurer que tous les chantiers mis brutalement à l’arrêt redémarrent en toute sécurité ». Ces coordonnateurs accompagnent le maître d’ouvrage sur son projet de construction, sont leur référent sur les choix techniques et organisationnels qui concernent la santé et la sécurité. A leurs côtés, le Groupe SOCOTEC a nommé des « référents Covid », qui sont indépendants de la mission de coordination SPS mais qui assurent une veille sur le respect des dispositions définies en amont de la reprise des chantiers. Cette fonction, prévue par le guide de l’OPPBTP mais anticipée par le Groupe, a pour mission de veiller à ce que les mesures sanitaires rendues nécessaires par la diffusion du Covid-19 soient respectées sur les différents sites.

« Les chantiers ont été arrêtés très brutalement au début de la crise et inversement, depuis la sortie du guide [de l’OPPBTP], tout le monde veut reprendre sans se poser les questions essentielles et réfléchir sur les moyens à déployer pour limiter le risque de propagation du virus sur les chantiers. Notre rôle est d’accompagner les maîtres d’ouvrage pour que cela se fasse en conformité avec toutes les règles en place ».

Les mesures de sécurité renforcées impliquent la mobilisation de personnels plus nombreux (à commencer par les référents Covid), à laquelle s’ajoute « le retard pris qu’il faudra rattraper : l’activité va reprendre plus intensément encore ».

 

Des mesures administratives dont l’impact est parfois incertain

La question des pénalités en cas de retard de chantier n’a pas encore été éclaircie entre les différents acteurs de la filière alors même que le risque de pandémie n’était pas prévu par les assurances et conformément aux indications des trois ministères concernés (Logement, Travail et Santé). Cette question fait l’objet d’une concertation spécifique.

Une ordonnance prise le 25 mars [4] risque en revanche d’impacter fortement la filière, en bloquant tous les permis de construire déposés après le 12 mars et reportant ainsi leur délai d’instruction : « Le report des IPC [5] handicape la filière. La promotion immobilière est la première impactée et nous le serons par ricochet car des chantiers ne démarreront pas ou alors bien plus tard fin 2020 voire en 2021 ».

 

Hervé Montjotin, président exécutif du Groupe SOCOTEC, présente sa gestion de la crise

Le président exécutif du groupe SOCOTEC, Hervé Montjotin, explique dans une vidéo destinée à la communauté de l’Institut de l’Entreprise, son choix, assumé, de conserver une équipe « commando » au siège du Groupe afin d’assurer un pilotage efficace de la crise, tout en respectant bien entendu les gestes barrières.

Il décrit une phase de sidération aux premiers jours de la crise, avant l’instauration de routines de management opérationnel permettant à chacun d’avoir de nouveau des repères.

Dans un deuxième temps, le dirigeant du Groupe a dû procéder à un ajustement opérationnel (notamment en prévoyant des mécanismes d’activité partielle) et projeter des hypothèses sur un scénario d’activité permettant de répondre aux enjeux de P&L [6] et de liquidité (cette dernière étant la priorité actuelle du Groupe).

Installer de nouveaux repères, savoir gérer le très court terme, tout en projetant l’entreprise sur une sortie par le haut de la crise : c’est la recette appliquée par ce dirigeant.

 

[1] Coordonnateur en matière de Sécurité et de Protection de la Santé

[2] Plan général de coordination

[3] Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics

[4] Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020

[5] Instructions de Permis de Construire

[6] Profit and Loss

 

Franck Pettex-Sorgue, Directeur Général Construction et Immobilier SOCOTEC France

Patrice Chauvin, Directeur du développement Prévention et SPS, SOCOTEC France

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