La crise du Covid-19 a frappé de plein fouet l’industrie automobile mondiale – la filière française qui tourne à 10% de ses capacités. Pour y faire face, Michelin est engagé dans l’effort coordonné de l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement, de l’amont à l’aval, dans un « esprit de partage impressionnant ». Confronté à cette crise dans de nombreux pays dans lesquels il est implanté, le Groupe a su tirer les leçons de la situation chinoise pour gérer l’urgence aux États-Unis, devenus le cœur de la pandémie, et anticiper la reprise d’activité en Europe. Cette reprise, Michelin l’espère rapide pour ne pas mettre en péril sa chaîne de valeur, et surtout pour ses collaborateurs qui sont les plus touchés. Des protocoles de sécurité sanitaire sont ainsi déployés dans chaque pays, grâce à des cellules de crise régionales qui adaptent le cadre général fixé par une cellule au niveau du Groupe. L’autre priorité de ces cellules est l’attention portée aux fournisseurs les plus fragiles pour en garantir la survie. Ce volet illustre le renforcement des engagements solidaires du Groupe à l’égard de ses parties prenantes : le maximum a été fait pour préserver le plus de salariés possibles du chômage partiel, les Gérants et le Comité Exécutif ont baissé leur rémunération de respectivement 25 et 10%, le choix a été fait de ne pas recourir aux aides publiques aux entreprises, des outils d’impression 3D fabriquent des masques pour les services de santé localisés autour de ses usines, etc.

 

Date de publication : 21/04/2020

Enquête réalisée auprès d'Éric Le Corre, Directeur des Affaires publiques Groupe de Michelin

 

Une filière touchée de plein fouet par la crise

« Ce n’est pas la première crise d’ampleur que traverse le monde économique. La différence importante pour nous est que l’industrie automobile est, dans le monde l’industrie la plus touchée. En France, on considère que la filière tourne à 10% de ses capacités ». L’incidence pour le Groupe, qui opère sur des marchés de remplacement et sur des segments de spécialités (génie civil, agricole, avion, etc.) devrait s’avérer moins significative que pour les constructeurs automobiles. Il est néanmoins contraint d’attendre la réapparition de la demande des constructeurs automobiles, qui sera déterminante dans la reprise : « Nous avons un réel besoin de coordination de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, nous n’allons pas produire et stocker des pneus s’il n’y a pas de demande. Or les constructeurs n’ont pas de visibilité sur leur propre demande et sont dans des problématiques de redémarrage de leur production et de leur propre chaîne d’approvisionnement ». La Plateforme de la filière automobile (PFA) a engagé une action de coordination qui rassemble l’ensemble de la chaîne de l’amont à l’aval, et identifie les points bloquants dans une industrie mondialisée : « Les pièces utilisées pour la fabrication de moteurs en France et en Allemagne sont fabriquées en Lombardie, dans des usines actuellement fermées et que le gouvernement italien ne veut pas rouvrir : nous sommes aussi faibles que le maillon faible de la chaîne ». Aux défis inhérents à la relance de la production s’ajoute la frilosité du consommateur final : « Comment fait-on pour livrer des clients paniqués ? ».

L’ensemble de ces problématiques impose aux acteurs de la filière un travail commun étroit : « C’est une tâche titanesque à laquelle la filière tente de s’atteler, avec un esprit de coopération et de partage impressionnant. Nous avons deux à quatre réunions par semaine et je suis impressionné par la manière dont les choses avancent, par la qualité d’écoute et la volonté des États, des administrations, d’aider à débloquer les situations ».

 

Un Groupe international dont l’ensemble des implantations est impacté avec une empreinte industrielle internationale

Groupe international, Michelin compte 130 000 salariés dans le monde, dont 18 000 en France. Il a, dès le mois de janvier, été touché par la crise via son implantation en Chine, où ses usines ont fermé trois semaines, avant une réouverture progressive. Après l’Europe, le cœur de la crise se déplace désormais aux États-Unis où le Groupe concentre un tiers de son activité : « Aujourd’hui, la Chine est a priori sortie de la crise. Pour nous, elle se terminera quand tous les pays en seront sortis ».

Pour la sortie de crise, le Groupe entend s’appuyer sur son expérience chinoise, foyer de l’épidémie et première région touchée : « Les leçons tirées de ce qui a été vécu en Chine nous ont aidé à mieux appréhender la situation quand la pandémie est arrivée en Europe. Les mesures prises en Chine nous guident aujourd’hui dans la reprise d’activité ».

À la cellule de crise mise en place au niveau du Groupe s’ajoutent les cellules de crise régionales. Le cadre général fixé porte sur trois priorités : 1) la sécurité des salariés, 2) le maintien d’une certaine activité quand cela est possible, dans le respect des conditions sanitaires et afin de préserver la trésorerie et 3) l’attention portée aux fournisseurs les plus fragiles. « Nous veillons à ce que les maillons les plus faibles de notre chaîne de valeur puissent survivre ; une attention particulière est portée à nos fournisseurs les plus fragiles ». Sur cette base, chaque cellule de crise locale met en œuvre et adapte les réponses du Groupe en fonction des spécificités locales. « Chacune est libre d’aller au-delà des directives du Groupe. Par exemple, avant la mise en place du confinement en France, la région Europe du Nord avait ainsi limité les déplacements de l’ensemble des équipes. La gestion du chômage partiel, des prises de congé ou de modération salariale se fait aussi selon l’organisation et les besoins de la région et selon la législation en vigueur ».

 

Une reprise progressive de l’activité

Des ateliers au sein des usines du Groupe ont maintenu leur production, lorsque des besoins continuaient d’être exprimés ou lorsque l’activité était jugée critique pour les activités de la nation (par exemple en matière de production de pneus pour avions, dont l’activité cargo demeurait intense). Le Groupe a également maintenu, dans les principaux pays où sa filiale Euromaster est implantée, des centres de dépannage pour véhicules lourds et légers afin de maintenir la continuité de services de base.

En France, le Groupe met en place dans ses usines les mesures sanitaires qui lui ont permis de rouvrir progressivement certaines usines. L’activité reprend également progressivement en Espagne, et en Italie (les usines italiennes du Groupe se trouvent dans le Piémont, où la production n’a pas été totalement arrêtée). « L’avantage d’avoir des implantations industrielles en Chine est que le pays a défini des protocoles sanitaires pour pouvoir repartir dans de bonnes conditions en réorganisant nos méthodes, en mettant en place l’ensemble des mesures de prévention adéquates. Toute l’expérience acquise sur la Chine nous a permis de nous adapter pour la réouverture des autres sites ».

Le Groupe a très rapidement appelé à un redémarrage de l’activité [1], « conscient qu’à la fin ce sont les salariés qui sont touchés. Nous redémarrons en mode dégradé mais nous considérons que nous devons nous habituer à vivre avec le virus, car nous ne savons pas combien de temps la crise va durer. Nous nous remettons au travail, non pas pour les actionnaires mais pour ne pas mettre en péril notre chaîne de valeur ».

Le Groupe adapte ses protocoles à la situation de chaque pays, de chaque usine « et négocie quand cela est nécessaire des protocoles avec les organisations syndicales afin d’assurer l’acceptabilité de ces mesures par les équipes. La protection des salariés est la première chose qui nous guide, les salariés doivent se sentir rassurés de venir travailler ». Le Groupe prévoit notamment la mise à disposition de masques pour l’ensemble de ses salariés et la prise de température à l’entrée des sites. Il s’est engagé dans la fabrication de masques [2], afin de contourner la pénurie à laquelle le monde est confronté et ainsi fournir à ses personnels les masques nécessaires à la reprise de leur activité (« il est important que nos salariés se sentent en confiance pour redémarrer leur activité »). Le Groupe a, à la fois pour surmonter cette crise et d’éventuelles crises similaires à venir, développé une capacité d’autoproduction de masques grâce à l’implantation d’ateliers dans la plupart de ses usines (avec un objectif de 400 000 par semaine). Il finalise parallèlement les processus d’homologation qui lui permettront de faire don d’une partie de sa production aux personnels de santé.

 

Des mesures de solidarité renforcées

« Au-delà des problèmes à résoudre, le Groupe a fait le choix d’être exemplaire en tant qu’acteur dans les communautés où il opère. La question était de savoir comment nous pouvions être utiles ».

Cette exemplarité s’applique d’abord à lui-même où le maximum a été fait pour préserver ses salariés du chômage partiel. À cela s’ajoute la baisse consentie de rémunération de la part des Gérants et du Comité Exécutif de respectivement 25 et 10% tant qu’il subsistera des salariés en chômage partiel. Hors chômage partiel, le Groupe a par ailleurs fait le choix de ne pas recourir aux aides publiques ouvertes aux entreprises (notamment le report d’échéances fiscales et sociales), considérant sur la base des stress tests réalisés qu’il était en mesure de « traverser l’année 2020 même avec une hypothèse forte de basse activité ».

Le Groupe a engagé des actions sociétales multiples et a notamment mis à disposition des outils d’impression 3D pour fabriquer des masques pour les services de santé localisés autour de ses usines. Ses distributeurs ont par ailleurs offert des contrôles de sécurité aux véhicules des services publics indispensables (ambulances notamment). Le Groupe s’est également fixé des règles en fonction du degré de gravité de la pandémie dans ses pays d’implantation, et a sur cette base adopté en France le principe de faire don, pour tout masque utilisé en interne, d’un masque aux services de santé.

Les compétences des ingénieurs du Groupe ont par ailleurs été sollicitées pour travailler sur l’impression de certaines pièces pour des consortiums fabriquant des respirateurs. « Des équipes dédiées ont agi en mode commando ».

 

Penser l’« après » : Le rôle de la direction des Affaires publiques dans la gestion de crise

Le Groupe travaille également aux conséquences qu’entrainera cette période : « Cette crise est-elle l’opportunité d’une accélération vers une économie plus décarbonée et circulaire ? C’est ce que nous souhaitons. L’Union européenne veut s’appuyer sur le Green Deal pour faire redémarrer une UE qui se concentrerait sur un certain nombre de domaines liés à la lutte contre le changement climatique : nous avons un rôle à jouer ».  

C’est ainsi à la Direction des Affaires publiques de répondre à ces questions, consciente qu’elle a des ajustements géopolitiques qui pourront s’observer dans les prochains mois, qui pourraient transformer l’environnement et ouvrir également de nouvelles opportunités.

Dans les régions où le Groupe opère, un dialogue a été engagé par la Direction des Affaires publiques auprès des autorités. « Les autorités n’ont pas toujours conscience des complexités de la vie économique. Il y a une myriade de problèmes pratiques à débroussailler dans la perspective d’une sortie du confinement ». La Direction des Affaires publiques du Groupe travaille à « débloquer une myriade de problèmes auprès de différents services des États dans lesquels nous opérons ». Ainsi en va-t-il notamment des questions douanières et d’approvisionnement : la Direction a notamment dû négocier avec les autorités françaises pour livrer à ses usines du polypropylène, matière première nécessaire à la fabrication de masques mais jugée non essentielle à la vie de la Nation. Des démarches ont également été effectuées auprès du Quai d’Orsay pour aider au rapatriement de salariés. Elle travaille actuellement sur les enjeux juridiques liés à la prise de température à l’entrée des sites : « Le droit du travail dans la plupart des pays ne l’autorise pas, sauf en présence d’un médecin du travail. Refuser l’entrée d’un site à un salarié pourrait également être assimilé à une discrimination sur critère médical ».

 

[1] https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/03/florent-menegaux-pdg-de-michelin-nous-sommes-en-condition-de-redemarrer_6035364_3234.html

[2] https://www.rtl.fr/actu/conso/coronavirus-le-pdg-de-michelin-annonce-sur-rtl-lancer-la-fabrication-de-masques-7800367865

 

Éric Le Corre, Directeur des Affaires publiques Groupe de Michelin

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